samedi 11 novembre 2023

Suburra

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Suburra (2015) de Stefano Sollima

Alors qu’un bouleversement s’annonce sur la papauté, le député de la « majorité » Malgradi essaie de faire voter une loi qui permettrait des constructions sur le littoral romain, à Ostie, où les opérations immobilières sont, selon la loi actuelle, sévèrement encadrées.

En fait, Malgradi agit « sur ordre » du « Samouraï », vieux mafieux romain que l’opération devrait beaucoup enrichir.

Mais une prostituée mineure meurt victime d’une OD lors d’une passe payée par Malgradi pour elle et une de ses « collègues ».

Malgradi se défausse sur l’autre fille pour évacuer le cadavre, ce qu’elle réussit difficilement à faire, aidée par un « copain ».

Le lendemain, le copain veut faire chanter Malgradi qui fait appel à un de ses collègues qui connaît « du monde » pour régler le problème.

Le maître-chanteur, « Spadino » Anacleti (membre d’un gang de Gitans) est tué par « Numero 8 » (petit mafieux romain).

La guerre des gangs a commencé.

En 1967, Dino de Laurentiis produisait, à la gloire de son épouse Silvana Mangano, un film à sketches (c’était la mode à l’époque) qui s’intitulait Le Streghe (Les Sorcières).

Un de ces sketches réalisé par Franco Rossi s’intitulait La Siciliana (La Sicilienne) et racontait le massacre de deux familles siciliennes, l’une par l’autre, à la suite de la dénonciation d’une vieille fille frustrée. C’était très drôle et ça durait quatre minutes et demi.

48 ans plus tard, un autre De Laurentiis est producteur exécutif d’un film pas drôle du tout et qui, grosso modo, raconte la même chose en… 30 fois plus de temps. Et 30 fois 4mn30, ça fait 2h15 et c’est long !

Stefano Sollima est l’un des créateurs de la série Gomorra d’après l’incontournable roman de Roberto Saviano.

Malheureusement, il semble que Gomorra soit devenu une sorte de fond de commerce pour lui et, de ce fait, Suburra devient un Gomorra (notez la paronymie) à la romaine. Même violence, même dialogue très pauvre, mêmes personnages joués par des comédiens très approximatifs et de façon totalement hystériques, des personnages dont on ne sait s’ils sont plus bêtes que méchants, plus méchants que pourris ou plus pourris que bêtes. Fort heureusement – attention spoiler ! -, aucun ne survivra dans le film.

L’action se situe dans la deuxième semaine de novembre 2011. Le scénario déplace d’un peu plus d’un an avant la date réelle, la « démission » de Benoît XVI (qui eut lieu le 11 février 2013) pour la replacer le 12 novembre 2011, soit le jour précis où le peuple italien, majoritairement dans la joie, se débarrassa, enfin, du monument d’autosatisfaction vulgaire, du milliardaire mafieux (ou tout au moins dont la fortune était d’origine mafieuse) qui était aussi – pauvre République Italienne ! – président du conseil.

Or, dans le film, n’apparaissent ni le nom de Benoît XVI, ni celui de Berlusconi. Tout ce qu’on sait, c’est que le lamentable Malgradi est un député « de la majorité ».

Sollima a, visiblement, la prétention de faire du grand cinéma et son maître à penser n’est ni Pasolini, Fellini, Visconti, Risi ou Zurlini, ni, dans un registre plus contemporain, Moretti, mais plutôt Paolo Sorrentino et ça se sent douloureusement.

Tous les résumés qu’on trouve chez les critiques français contiennent cette erreur (pieusement recopiée du dossier de presse, je suppose !) « La Suburra, quartier mal famé de Rome… ». La Suburra a été, c’est vrai, un quartier mal famé de Rome il y a… quinze siècles. Situé au centre de la Rome impériale, il était peuplé d’un sous-prolétariat potentiellement dangereux et on pouvait s’y faire égorger pour deux sous.

Suburra est devenu, en italien, un nom commun – un peu comme « Capharnaüm » en français – signifiant « zone criminogène », ce qu’on nomme chez nous, « zone de non-droit ».

Si certains signes nous laissent entrevoir l’ambition démesurée d’un réalisateur se voyant déjà dans la cour des grands, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Pour tout arranger, tout ça est arrosé d’une musique ex-New Wave baba délavée.

Faire des vicissitudes mafieuses une œuvre épique, fleuve et lyrique, ça a déjà été fait dans une trilogie dont le premier film a bientôt quarante ans. C’était signé Francis Ford Coppola, ça s’appelait Le Parrain et c’était quand même autre chose que ce tout petit téléfilm hystérique.

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