mardi 9 avril 2024

Quelque part dans la nuit

 


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Somewhere in the Night (Quelque part dans la nuit)

de Joseph L. Mankiewicz (1946)

George Taylor est démobilisé après avoir été blessé et avoir passé quelques mois à l’hôpital. Il est totalement amnésique et aurait oublié jusqu’à son nom si ce nom ne figurait dans son portefeuille. Dans ce portefeuille, il a trouvé une lettre de femme, une lettre de griefs et de rupture.

Dans ses effets personnels que lui a remis l’armée, il y a un ticket de consigne qui le mène à une serviette contenant une lettre signée de son « copain » Larry Cravat.

Il se met à la recherche du copain en question. Au cours de ses recherches, il fait la connaissance de Christy qui chante au bar « Le Caveau » ainsi que celle de Mel Philipps, patron du Caveau, qui vont l’aider. Par Philipps, il rencontre l’inspecteur Kendall qui lui explique que Cravat a volé deux millions de dollars, ce qui explique que George ne soit pas le seul à le chercher.

En 1946, Mankiewicz, ex-scénariste et ex-producteur à la M.G.M., se lance, pour la Fox, dans la réalisation avec Dragonwick (Le Château du dragon), un conte gothique qui porte indéniablement la marque, au moins en ce qui concerne l’atmosphère, de son réalisateur. La même année, il réalise ce Somewhere in the Night selon les codes en vigueur des « polars de série B ».

Le thème le plus courant dans le polar, c’est le fameux « Whodunit ? », « Qui l’a fait ? » et ce dans des styles souvent opposés qui vont d’Hammet ou Chandler à Agatha Christie, sans parler d’Hitchcock qui y substituera « Comment l’a-t-il fait ? » avec succès.

Le thème de toute l’œuvre de Mankiewicz, c’est « Qui est-il/elle ? » et ses films sont (presque) tous les puzzles d’un portrait : Nicholas Van Ryn, George Appley, Noah Praetorius, Diello, Maria Vargas, César, Cléopâtre, Marc-Antoine, Cecil Fox, Andrew Wyke, Milo Tindle… Dans ses œuvres les plus fortes, ce portrait peut-être celui d’un absent (Addie Ross dans Chaînes conjugales ou Sebastien Venable dans Soudain l’été dernier), d’un fantôme (le capitaine Daniel Gregg dans L’Aventure de madame Muir) ou d’un personnage raconté par les autres (Eve Harrington dans All About Eve).

Pour sa deuxième réalisation, Mankiewicz va mélanger le thème du polar et celui du portrait. Réalisateur spirituel, sophistiqué et cynique, il se heurte aux lois du genre, même si Somewhere in the Night est parfaitement réussi au niveau esthétique. Le portrait puzzle est double ici : c’est celui de Larry Cravat (« l’absent ») et de George Taylor (« le héros »). Le premier est très certainement un salaud, le second un brave type. Mais tout est-il aussi simple ? La réponse est non puisque le salaud n’en est pas tout à fait un, alors que c’est le brave type qui n’existe même pas et qui sert de paravent à un autre (faux) brave type.

Mais Mankiewicz veut trop bien faire : son style habituel et l’élégance de dialogues trop brillants alourdissent une intrigue compliquée qui aurait, de toutes façons, gagné à plus de simplicité dans son exposition.

Mankiewicz est un très grand réalisateur (ce n’est certainement pas moi qui dirait le contraire), mais il n’est ni Hawks, ni Huston. Au cours de sa carrière, il réalisera d’autres films noirs : Escape en 1948, House of Strangers (La Maison des étrangers) en 1949 et No Way Out (La Porte s’ouvre) en 1950. Ce n’est pas pour rien que ce dernier film est sans doute le plus mauvais de sa filmographie. Et, à ce niveau, Somewhere in the Night est le plus réussi dans ce genre qui ne convenait guère au réalisateur de Chaînes conjugales et de All About Eve.

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