jeudi 8 août 2024

Un mariage à Boston

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The Late George Appley (Un mariage à Boston) (1947)

de Joseph L. Mankiewicz

George Appley s’apprête à fêter Thanksgiving par un dîner familial. La famille Appley fait partie de la bonne société de Boston, en ce début du 20ème siècle. Les deux enfants de George Appley, John et Eleonor, donnent beaucoup de soucis à leur très respectable père : Eleonor fréquente un jeune homme, Howard Boulder, aux idées modernes aux théories « osées » sur la littérature et diplômé (ô horreur !!!) de Yale, au lieu de la plus traditionnelle Harvard. De plus, George Appley apprend, incidemment, que son fils « fréquente » une jeune fille qui n’est pas de leur milieu.

George Appley est tout prêt à se draper dans sa dignité de descendant d’une des plus grandes familles de Boston, mais son conservatisme, son intransigeance et son snobisme, le font exclure de la présidence de la société d’ornithologie.

Il décide alors de se faire plus « libéral ».

Les Américains ont, dés la naissance de leur pays en 1776, adopté le système républicain. Chaque « White Anglo-Saxon Protestant » prétend avoir eu des ancêtres sur le « Mayflower », ce bateau qui, au début du 17ème siècle, importa au Nouveau Monde, les fameux « Pères pèlerins » qui, malgré les revendications des américains actuels n’eurent pas de descendance puisque, puritains et majoritairement religieux, ils périrent tous d’épidémies.

Les Américains ont beau se réclamer de cette hypothétique descendance, ils n’eurent jamais de véritable aristocratie. Et comme on ne désire rien tant que ce qu’on ne pourra jamais avoir, ils ont créé leur propre aristocratie, la bourgeoisie « W.A.S.P. ». Cette secte (car c’en est bien une, bien plus dangereuse que les Puritains d’origine) sévit encore et on retrouve ses plus répugnants spécimen au sein de la « Christian Coalition », l’extrême droite républicaine[1].

Boston et Baltimore sont les deux bastions de ce conservatisme et c’est précisément Boston qui est le personnage central du 3ème film de Mankiewicz : « Boston n’est pas une ville, c’est un état d’esprit ! » dit l’un des personnages. Mankiewicz est un réalisateur fin et intelligent, mais on peut regretter ici que la charge se soit faite à fleurets mouchetés.

Comme toujours chez Mankiewicz, la réalisation est aérienne, mais elle tranche ici avec la lourdeur du scénario de Philip Dune et la banalité des dialogues, à peine rehaussés ici et là de quelques « saillies », tellement « mankiewiczienne » qu’il semble douteux que le réalisateur-auteur de Chaînes conjugales n’ait pas mis la main à la pâte (« Après tout, Freud a essayé de faire avec le sexe ce qu’Emerson a fait sans »).

Quoiqu’il en soit, la réputation de légèreté du film n’est pas usurpée : il a le charme de Mankiewicz, mais il n’en a ni la profondeur, ni le mordant. Ses « Bostoniens » sont plus ennuyeux que méchants et quand même plus « légers » que certains Amberson (« Je ne connais personne qui aime les bronzes chinois, mais j’ai la plus belle collection du monde »).

L’interprétation est excellente, mais sans génie. Les péripéties du scénario sont quelque peu répétitives jusqu’à ce happy end totalement invraisemblable.

Mais l’extrême fin revient tout de même à Mankiewicz : George Appley adresse à sa femme le même coup d’œil que celui que Cléopâtre adressera à Jules César, seize ans plus tard. La rigidité bostonienne vaut bien les boursouflures de l’entrée triomphale de la reine d’Egypte dans Rome.



[1] Un de leurs « sympathisants » sera même élu, 17 ans après la rédaction de cette note, 45ème président des États-Unis d’Amérique et pourrait bien être réélu 47ème président en novembre prochain (MàJ du 9 août 2024)

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