mercredi 7 août 2024

L’Emprise du crime

 

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The Strange Love of Martha Ivers (L’Emprise du crime) de Lewis Milestone (1946)

En 1928, la toute jeune Martha Ivers fugue avec son ami Sam Masterson. La jeune fille est la nièce de la très riche madame Ivers qui possède pratiquement toute la ville.

Mais Martha est rattrapée sur les ordres de sa tante et elle tue la vieille dame.

18 ans plus tard, Sam Masterson revient par hasard à Iverstone et comme il a eu un accident de voiture, il est obligé de rester jusqu’à ce que sa voiture soit réparée.

Il fait la connaissance de Toni Marachek qui vient de sortir de prison et va dîner avec la jeune femme.

Ça a beau dater de 1946, on est très loin du Grand sommeil produit la même année. Et ce n’est pas non plus le film le plus brillant de Lewis Milestone. En tous cas, on est très loin de À l’ouest, rien de nouveau.

1946, c’est aussi, accessoirement, l’année qui précède une année noire, celle où le parti « républicain » va revenir aux affaires et, après avoir rongé son frein pendant les quinze années de présidence démocrate, va exploser dans un proto-fascisme hystérique (deux ans après l’année de la victoire et l’année qui suit celle des procès de Nuremberg !).

C’est alors que sera mise en place la H.U.A.C. (House Un-American Activities Committee – commission des activités anti-américaines) de sinistre mémoire qui condamnera les dix d’Hollywood et bien d’autres parmi lesquels Lewis Milestone, le réalisateur de L’Emprise du crime et Robert Rossen le scénariste.

Lewis Milestone fuira en France. Dénoncé par Jack Warner, Robert Rossen, contraint et forcé dénoncera à son tour 57 personnes d’être communiste en 1953.

Le début du tournage de L’Emprise du crime (titre français complètement idiot, s’il en est !) est assez mouvementé avec une bonne partie de l’équipe en grève, comme tout le personnel de la Paramount.[1]

Ce n’est pas un film noir, même s’il s’en donne quelques apparences : c’est un mélo bourgeois avec meurtre, pavé mouillé et femme fatale qui va jouer les victimes pendant presque tout le film.

Lizabeth Scott n’est pas cette femme fatale : c’est la gentille fille, généralement barmaid ou chanteuse de beuglant ou la « secrétaire du privé » dans les films noirs standards. Ici, c’est une fille qui n’a pas eu de chance, une ex-taularde qui risque de retourner derrière les barreaux, mais qui va tout de même faire de l’ombre à « la femme fatale » en séduisant le « nouveau venu » qui n’est pas si nouveau que ça, puisqu’il est né dans cette petite ville. Lui, c’est Sam Masterson incarné par Van Heflin, excellent second rôle dans des films qui ne le méritent pas toujours. Dans le rôle trop bref de Mrs Ivers, on a le plaisir fugace de retrouver la Mrs Danvers de Rebecca, Judith Anderson.

C’est Barbara Stanwyck la femme fatale, rôle qu’elle surjoue un peu, ce qui était un peu dans l’air du temps. Elle retrouvera Van Heflin, trois ans plus tard, dans Ville haute, ville basse, un film plus médiocre que celui-ci.

Mais dans le rôle secondaire du mari de la femme fatale, une crapule veule, larmoyante et lamentable, on découvre un débutant de génie qui crève l’écran. Ce film est le premier d’une carrière qui ne s’interrompra que 62 ans plus tard. Et Kirk Douglas nous quittera le 20 février 2020 à l’âge de 103 ans.



[1] I Am Spartacus de Kirk Douglas (Éditions Capricci – 2013) chapitre 1 – pp. 29 à 38

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