mercredi 20 janvier 2021

Le Grand sommeil

 

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The Big Sleep (Le Grand sommeil) d’Howard Hawks


Philip Marlowe, le détective privé, est engagé par le général Sternwood pour retrouver son homme de confiance qui a disparu. Le général, dans la conversation, laisse entendre qu’il a de gros problèmes avec ses filles.

Marlowe veut bien le croire, car il a rencontré Carmen, la cadette, en arrivant chez le général. En partant, il croise Vivian qui lui demande de retrouver les auteurs d’un chantage dont sa sœur est la victime.

Le détective retrouve rapidement le maître-chanteur… assassiné.

Curieusement, il est assez facile de résumer le début du Grand sommeil, jusqu’à ce point précis. Mais là, tout se complique. On a toujours prétendu que ni Faulkner, ni aucun de ses co-scénaristes, ni même Chandler, l’auteur du roman, n’était capable de raconter l’histoire.

C’est possible et ça fait mentir le vieil adage qui veut que « les trois ingrédients pour réussir un film [soient] une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire », citation que d’aucuns attribue à Ford (ce qui est possible), à Jean Gabin (ce qui l’est moins) ou à une bonne demi-douzaine de célébrités cinématographiques.

J’adore Le Port de l’angoisse, mais j’ai toujours eu une petite préférence pour Le Grand sommeil malgré, ou plus vraisemblablement à cause, de l’opacité de l’histoire.

 

The Big Sleep : les deux versions

La grande révélation était donc de voir simultanément le premier montage du film de Hawks daté de 1945 et la version définitive de 1946 que tout le monde connaît. Dans la première version, l’histoire est encore plus difficile à suivre, car le montage est moins « serré » que dans la définitive.

Il n’y a jamais que trois minutes de différence, mais certaines scènes sont montées différemment.

Le début du film est inchangé jusqu’à l’arrivée de Marlowe dans la maison de Geiger. Dans la version de 45, Marlowe fouille toute la maison sans succès, jusqu’à ce qu’il trouve les photos (comme dans la version de 46).

Dans la version de 45, Marlowe ramène Carmen chez elle et ils ont une brève conversation qui n’a rien d’essentiel. Arrivé chez Sternwood, Marlowe demande à voir Vivian qui n’est pas là (1945) ou qui l’aide à porter sa sœur (1946). La conversation Marlowe/le majordome (1945) se transforme donc en conversation Marlowe/Vivian (1946).

Le retour de Marlowe chez lui est plus resserré dans la version de 46.

La scène où Marlowe retourne chez Geiger se situe avant sa nouvelle rencontre avec Vivian (1945) ou après (1946).

Lorsque Marlowe fait arrêter le petit voyou qui a tué Brody (les deux versions), il accompagne le flic chez le procureur et font tous une espèce de mise au point qui n’apporte pas grand-chose (1945). Cette scène a été coupée dans la version de 1946.

L’une des deux scènes les plus notablement différentes d’une version à l’autre est la scène où Vivian vient voir Marlowe chez lui (1945), coiffée d’un affreux chapeau à voilette qui, selon toutes les anthologies du cinéma, aurait fait bondir à la fois Lauren Bacall et son agent. On les comprend. Le chapeau est grotesque et la scène tournée dans un cabaret, et sans voilette (1946), est autrement plus intéressante avec les allusions de Vivian sur les chevaux, ceux qui partent vite et ceux qui sont bons sur la distance. Dans les deux versions, Marlowe déjoue les manœuvres de Vivian.

   

La sortie de Vivian du casino d’Eddie Mars est plus resserrée dans la version 46.

La scène de Marlowe trouvant Carmen chez lui après avoir raccompagné Vivian a été ajoutée en 1946.

La conversation entre Marlowe et le flic est beaucoup plus longue (1946) et elle résume mieux l’histoire que la confrontation dans le bureau du procureur (1945 – voir plus haut) à laquelle elle se substitue.

Enfin, l’autre scène très différente (avec celle du chapeau à voilette) est celle de Marlowe « sonné » et ligoté se retrouvant « gardé » par la femme d’Eddie Mars et par Vivian. Le changement ici est beaucoup plus important qu’un simple chapeau : l’actrice Pat Clark (1945) est purement et simplement remplacée par Yeggy Kundsen (1946). On notera que les deux actrices ne se ressemblent absolument pas. Dans la même scène, Vivian, présente dès le début dans la première version, n’arrive qu’après dans la version 46.

   

Le document télévisé intitulé Comparisons est passionnant, car il donne simultanément les extraits changés et nous en apprend beaucoup sur les méthodes de travail hollywoodiennes.

Et il est vrai qu’il est indispensable d’avoir les deux versions pour appréhender ce chef d’œuvre qui reste (dans les deux versions) l’un des plus grands films noirs jamais tournés.

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