dimanche 3 janvier 2021

Le Retour du héros

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Le Retour du héros (2017) de Laurent Tirard

Élisabeth Beaugrand est la fille aînée de la famille Beaugrand, de grands bourgeois de province qui deviennent très influents dans la France de l’Empire.

La sœur cadette d’Élisabeth, Pauline, est fiancée au capitaine Neuville, une ganache beau parleur qu’Élisabeth méprise.

Lorsqu’il doit partir pour les campagnes napoléoniennes, Neuville promet à Pauline de lui écrire tous les jours.

Naturellement, Pauline ne reçoit rien du tout et dépérit de jour en jour. Pour la sauver, Élisabeth va lui écrire de fausses lettres dans lesquelles Neuville est un héros extraordinaire à qui il arrive de fabuleuses aventures.

Mais le « vrai » Neuville qui a déserté revient alors qu’Élisabeth l’avait fait mourir en Autriche.

Dans le domaine des comédies françaises, les surprises sont rarement bonnes. En général, au mieux, les bons moments, quand il y en a, sont dans le film annonce.

Aussi, lorsque la surprise est bonne, il convient de le noter et c’est le cas ici.

Dun sujet qui eut pu être complétement bateau, Laurent Tirard tire un parti d’une habileté redoutable. D’ailleurs, les critiques ont beaucoup évoqué Philippe de Broca ce qui aurait beaucoup amusé le cinéaste, tellement vilipendé de son temps par une critique totalement méprisante.

On a également évoqué Jean-Paul Rappeneau qui fut d’ailleurs souvent scénariste de De Broca et Jean-Paul Rappeneau est réputé pour ses personnages « d’emmerdeuses ».

Les personnages incarnées par Catherine Deneuve (La Vie de château, Le Sauvage) ou par Marlène Jobert (Les Mariés de l’an deux) sont à la fois des emmerdeuses et des femmes qui revendiquent leur liberté… ce qui en fait des emmerdeuses. Et n’oublions surtout pas le personnage d’Agnès (Françoise Dorléac) dans L’Homme de Rio de Philippe de Broca dont Rappeneau était co-scénariste.

Et ces emmerdeuses que j’appellerai « empêcheuses de concours de bites », on les retrouve aussi dans les années trente au travers de filmographies comme celle de Katharine Hepburn ou, moins connue, Rosalind Russell.

Dans un de ces films, Rappeneau a transformé son « emmerdeuse » en « emmerdeur » ; c’était Tout feu, tout flamme dans lequel un père fantasque et flambeur (Yves Montand) se heurtait au pragmatisme de sa fille sérieuse, bûcheuse, polytechnicienne et, encore une fois, libérée (Isabelle Adjani). Ce fut un des rares échecs du réalisateur.

Élisabeth est une femme à la Rappeneau, un peu emmerdeuse (elle a une très jolie scène de crise de nerfs) et très « émancipée ». C’est une femme écrivain, une sorte de Mary Shelley en mode mineur. Et le véritable emmerdeur de l’histoire, c’est, bien sûr, ce Neuville qui sera un peu son monstre de Frankenstein qu’elle va être obligée de façonner, de faire rentrer dans le moule qu’elle a elle-même fabriqué sans savoir qu’elle serait un jour obligée de « garnir » par ce « ressuscité ».

Élisabeth, pétrie d’une morale à toute épreuve, assiste épouvantée à toutes les escroqueries de Neuville dont elle est responsable mais qu’elle ne peut naturellement pas dénoncer. Et certaines de ces escroqueries sont ingénieuses : il réussit quand même, en 1812, à inventer la « pyramide de Fonzi », plus d’un siècle avant son invention réelle.

Bien entendu, et comme toujours dans ces comédies où le comique naît d’un antagonisme entre les deux personnages, les deux héros vont s’unir et unir leurs forces : et la filouterie de Neuville associée à l’intelligence d’Élisabeth risque de faire quelques étincelles.

Il y a bien longtemps qu’une comédie à la française ne nous avait pas offert des caractères aussi forts, même s’ils sont quelque peu anachroniques en 1812.

Jean Dujardin est parfait, comme toujours dans une comédie, mais c’est Mélanie Laurent qui épate complètement dans le registre comique où on ne l’attendait pas forcément. Le reste du casting est impeccable, mais nous accorderons une mention particulière à notre grande Évelyne Buyle qu’on retrouve toujours avec un plaisir sans mélange.

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