***
Rebecca (1940) d'Alfred Hitchcock
Sur la Côte d'Azur, une jeune femme pauvre, dame de compagnie d'une grosse douairière cancanière fait la connaissance de Maxime de Winter que l'on dit inconsolable depuis la mort de sa femme Rebecca. Ils sympathisent et deviennent inséparables. Maxime finit par demander la jeune femme en mariage au grand dam des cancanières locales. Malgré les avertissements venimeux de son ex-patronne, la jeune femme épouse le beau Maxime qui la ramène dans son domaine, Manderley.
Là, elle est confrontée aux devoirs de sa charge face à une domesticité qu'elle sent, sinon malveillante, du moins, dubitative.
Parmi ces domestiques, il y a Mrs Denvers, gouvernante de Rebecca à qui elle vouait un culte absolu et dont elle entretient pieusement le souvenir.
Après La Taverne de la Jamaïque, c'était la deuxième fois qu'Hitchcock adaptait un roman de Daphné du Maurier.
Plus encore que la première fois, cette deuxième adaptation allait rencontrer plus de succès encore que le roman. De plus, le film est devenu un vrai classique.
Le mérite n'en revient pas seulement à Hitchcock. Il suffit pour s'en convaincre de parcourir les mémos dictatoriaux du producteur Selznick : le film est une œuvre commune au producteur et au réalisateur à une époque où Hitchcock n'était pas encore le seul maître à bord, réalisateur d'œuvres efficaces et, souvent, désincarnées.
Ce qui frappe avant tout, c'est la qualité de la lumière « isolant » souvent Joan Fontaine, image de ce que la « deuxième » Madame de Winter représente pour Maxime, alors que Mrs Denvers vient toujours de l'obscurité comme le prédateur épiant sa proie.
C'est par des détails accumulés que l'on ressent le malaise et qu'on s'identifie au personnage de Joan Fontaine, personnage jamais nommé autrement que madame de Winter dans le meilleur des cas, et, au pire, la nouvelle madame de Winter. Ainsi, ce manoir trop grand avec ses portes gigantesques aux poignées trop hautes qui font ressembler les personnages à des enfants perdus dans un monde disproportionné (on pense au Procès de Welles), ou cette Mrs Denvers, toujours vêtue de noir, oiseau de proie campé avec force par Judith Anderson.
On a beaucoup évoqué la première scène entre la « nouvelle » Madame de Winter et Mrs Denvers dans la chambre de Rebecca, en mettant l'accent sur le saphisme de la gouvernante, saphisme sans doute refoulé (mais en est-on vraiment sûr ?). Toutefois, le plus important ne se trouve-t-il pas dans la seconde scène, celle de l'humiliation après l'épisode du bal de bal où Mrs Denvers ne cherche pas seulement à pousser « l'usurpatrice » au suicide, mais lui lance également un appel pour qu'elle devienne comme l'autre, comme Rebecca dont la domination lui manque tellement ?
Après l'aveu de Maxime, son épouse se met à changer, physiquement d'abord (Maxime lui en fait le reproche), mais surtout psychologiquement en prenant cette assurance à la fois crainte consciemment et attendue inconsciemment par Mrs Denvers.
Une fois de plus, on est frappé par la perversité réelle de cet apparent bon pépère d'Hitchcock, perversité qui est sans doute la clef de voûte d'un succès qui ne s'est jamais démenti auprès des pervers que nous sommes tous.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire