Carol (2015) de Todd Haines
Alors qu’elle dîne avec Carol Aird, Thérèse Belivet est accostée par un de ses collègues du New York Times. Elle se rend, en compagnie de ce collègue, dans une soirée, abandonnant Carol.
Dans la voiture, elle se souvient de sa première rencontre avec Carol. Elle était alors vendeuse de jouets dans un grand magasin new-yorkais, tout en ambitionnant de devenir photographe de presse.
Carol, elle, est une bourgeoise, cliente chic du magasin où travaille Thérèse. Et c’est au rayon de Thérèse que Carol oublie ses gants. Thérèse les lui fait renvoyer et Carol l’invite à déjeuner pour la remercier.
Les deux femmes deviennent amies.
Depuis que la télévision existe, on a souvent opposé les « films de cinéma », authentiques « œuvres d’art », à ce qu’on appelait les « dramatiques », devenues, aujourd’hui, « téléfilms », médiocres « œuvrettes populaires ».
Mais depuis quelques années, on réévalue les « séries » (ex « feuilletons »), surtout pour opposer l’intelligence de celles-ci à l’indigence (pour ne pas dire plus) de pas mal « d’œuvres » cinématographiques contemporaines.
Certes, Carol n’est pas un film médiocre. Les deux interprètes sont parfaites, le reste du casting aussi, la mise en scène est très belle, aérienne, enlevée, l’image est d’une beauté stupéfiante et la reconstitution des années 50 est très réussie.
Mais c’est là que le bât blesse. Oui, c’est parfait, toutes les voitures sont rutilantes (comme si aucune voiture n’avait jamais connu la moindre tâche de poussière en ces temps bénis), les mouvements de caméra sont bluffants et la musique de Carter Burwell est à l’unisson du reste du film. C’est beau, c’est clinquant, c’est chic, c’est sur papier glacé et désespérément froid.
Il est bien possible que Todd Haines soit un peu trop fasciné par les années 50. Dans Loin du paradis, cette fascination profitait au film. Ici, elle n’est qu’un cadre pesant.
D’ailleurs, les critiques (globalement positives) sont aussi glacées que le film et, malgré une certaine admiration « chic », on ne sent aucun enthousiasme.
En résumé, on éprouve cent fois plus de compassion pour n’importe quel personnage de la série Cold Case que pour ces deux femmes. Cold Case dont l’originalité réside dans le fait que chaque épisode se situe dans un passé plus ou moins lointain (qui va de quelques mois jusqu’à un siècle puisque l’épisode le plus reculé dans le temps se passe en 1912 !) ; chaque épisode fait donc l’objet d’une reconstitution probablement moins coûteuse, mais plus « vivante » qu’ici.
Même la vision de l’homosexualité dans les années 50 est beaucoup moins bien rendue que dans Loin du paradis où elle était, pourtant, bien plus anecdotique.
En 1953 (le film se passe entre la fin de l’année 1952 et le début de l’année 1953), Eisenhower était président des Etats-Unis et les années noires du maccarthysme battaient leur plein avec les sinistres commissions des activités anti-américaines auxquelles il est fait allusion au début du film.
Et ce n’est pas tout à fait un hasard si cette année-là fut aussi celle où l’homosexualité fut déclarée maladie psychique aux U.S.A. et où Eisenhower signe le décret n° 10450 qui interdit au gouvernement de recruter des collaborateurs ouvertement homosexuels ou soupçonnés d’être homosexuels « dans l’intérêt de la sécurité nationale » (sic !) en raison de possibilité de vulnérabilité au chantage aux mœurs de la part d’agents soviétiques.
Or, dans Carol, il est vaguement fait allusion à une psychothérapie et c’est tout !
Et si le personnage secondaire du mari de Carol est certes traité avec beaucoup de finesse (Haines n’en fait pas un gros beauf salaud, mais un homme qui aime sa femme et qui souffre) et remarquablement interprété par Kyle Chandler, les deux personnages féminins restent trop sur leur « chic » hollywoodien pour émouvoir vraiment. Rooney Mara obtint le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2015, alors que, pour moi, Cate Blanchett la dépasse de cent coudées (contrairement à ce qui a été dit). De plus, cette dernière a tout de la star glamour de ces années-là, quelque part entre Lauren Bacall et Marylin Monroe. Roney Mara, elle, serait plus contemporaine. Pour rester dans les années 50, d’aucuns lui ont trouvé une ressemblance avec Audrey Hepburn qui n’a jamais, je dois le dire, fait partie de mes stars favorites.
Cela dit, aucune des deux n’offre une « performance » … performante et inoubliable, même si elles sont excellentes.
Bref, ces deux heures sont interminables, beaucoup plus que les 107 minutes de Loin du paradis qui savaient, au contraire d’ici, nous émouvoir.
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