mardi 18 avril 2023

Caroline chérie

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Caroline chérie (1950) de Richard Pottier


Caroline de Bièvres fête ses 19 ans le 14 juillet 1789. ses parents donnent une réception à cette occasion ; c’est, du moins, le prétexte officielle, car ce que désire monsieur de Bièvres, c’est marier sa fille aînée. Et le prétendant peu empressé de la jeune fille est Gaston de Sallanches qui est allé s’endormir dans le grenier de Caroline, pour se remettre de la nuit précédente qui l’a vu enterrer sa vie de garçon. Gaston et Caroline se rencontrent et la jeune fille tombe amoureuse.

 

Mais en raison des évènements, la fête tourne court. Alors que la révolution déferle sur la France, Caroline se morfond de n’avoir pas revu le beau Gaston.

Ce fut l’un des plus grands succès du cinéma français de l’époque et Caroline chérie fit de Martine Carol, « Martine chérie », une star jusqu’à ce qu’elle soit détrônée par celle qui incarnera sa « belle- fille » puisqu’elle interprète le rôle de Pilar qui épouse Juan dans Le Fils de Caroline chérie, dans le film homonyme de Jean Devaivre. La jeune actrice, c’est, bien sûr, Brigitte Bardot.

Pour l’heure, la toute jeune fille, c’est Caroline elle-même. Jeune fille délurée et insouciante, jetée dans le chaos de l’Histoire et qui ne devra sa survie qu’à un solide bon sens et, surtout, à des faveurs dispensées, par hasard, mais qui s’avèreront d’autant plus judicieuses qu’elles ont été forcées ou fortuites. Le public raffole de ce genre d’héroïne qui passe du sucré au déssalé pour assurer leur survie. Ce n’est pas pour rien que Scarlett O’Hara et, pour rester français, Angélique, ont assuré pour longtemps le succès de leurs auteurs.

Mais il est tout de même surprenant que cette histoire feuilletonesque ait pu voir le jour et obtenir un tel succès cinq ans après la fin de la guerre. Surprenant et, tout compte fait, révélateur. On aurait pu s’attendre à un rejet des valeurs qui avaient assis le régime de Vichy et la plus « fondatrice » de ces valeurs, le rejet de l’esprit de 1789 et de la République. Or, en 1950, Vichy n’avait jamais existé.

On pouvait donc allègrement présenter les chantres de la Révolution Française comme des monstres assoiffés de sang et le peuple français du Directoire à travers des formules aussi lapidaires que méprisantes comme « redevenu sensible après s’être bien abreuvé de sang ».

Toutes les scènes de ce film, totalement, mais « gentiment » réactionnaire, contiennent leur coup de griffe à la République et, plus largement, à la démocratie : que ce soit madame de Coigny qui, retrouvant Caroline à la conciergerie, déclare plaisamment : « On imagine pas quelqu’un de convenable hors d’ici en ce moment ! » ou une duchesse quittant la maison Belhomme, donc promise à l’échafaud, prétendre fièrement : « C’est bon pour les croquants de mourir, ils n’ont que leur peau ! ».

La maison Belhomme est d’ailleurs, sans avoir l’air d’y toucher, l’épisode central de l’histoire : y sont étalées toutes les veuleries et les bassesses de l’esprit révolutionnaire, dirigée par un escroc « racketteur » (Raymond Souplex) qui va jusqu’à se faire maquereau pour le compte des ses pensionnaires les plus fortunés, les Van Krift, des métèques, des étrangers à qui Caroline, bonne petite Française, tournera le dos au profit d’un aristocrate français (Paul Bernard, plutôt mieux que d’habitude) qui saura finir avec panache. Cette imagerie feuilletonesque, pour bon enfant qu’elle paraisse, est donc beaucoup moins innocente qu’on a feint de le croire.

On prendra cependant un certain plaisir à revoir la belle Martine et le jeune et fringant Jacques Dacqmine entourés du gotha d’un certain cinéma français : Marie Déa, Alfred Adam, Jane Marken, Jacques Varennes, Raymond Souplex, Germaine Kerjean, Jacques Dufhilo et Yvonne de Bray. Sans oublier, quelques années avant les Don Camillo, la voix de Jean Debucourt.

Quant à la réalisation, elle est efficace, vive et alerte, faute d’être inspirée. Les deux suites, Un Caprice de Caroline chérie et Le Fils de Caroline chérie, n’auront, eux, que la direction mollassonne de Jean Devaivre.

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