samedi 15 avril 2023

Carnage

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Carnage (2011) de Roman Polanski

 Dans le parc d’un quartier chic new yorkais, Zachary Longstreet et Ethan Cowan, deux gamins d’une dizaine d’années commencent à se battre. Ethan est « armé » d’un bâton et il blesse Zachary au visage.

Chez les Longstreet, les parents des deux enfants se rencontrent pour dresser un état des lieux et décider d’un commun accord et « entre gens civilisés » de la suite à donner à cette affaire.

Alan Cowan est avocat d’affaires, Nancy Cowan est trader, Michael Longstreet est quincaillier en gros et Pénélope Longstreet est anthropologue, spécialiste de l’Afrique Orientale.

Au début, les quatre parents font assaut de civilités et s’auto félicitent de leur haut degré de courtoisie.

Mais la réunion dure un tout petit peu trop longtemps.

… Et le film également !

Sans avoir jamais rien vu (ni lu) de Yasmina Reza, je m’étais fait une opinion bien arrêtée de la dame : auteur à la mode au cynisme « tendance », tellement à gauche qu’elle ne s’occupe que de son camp, pour le critiquer, ce qui arrange bien le camp d’en face.

Bon d’accord, ce n’est pas tout à fait vrai puisqu’elle a fait paraître en 2007 un livre-enquête sur la campagne du candidat Sarkozy, un livre que d’aucuns ont ressenti comme lénifiant à l’endroit de l’agité présidentiel.

Mais pour en revenir à ce qui nous occupe, j’imaginais donc madame Reza comme le parfait exemple de cette gauche caviar qui défend la « classe laborieuse » à condition qu’elle ne s’approche pas trop de sa maison et qui persiste à se prendre pour une empêcheuse de penser en rond.

Ici, nous avons quatre personnages : Alan Cowan, avocat d’affaires, donc de droite, vissé à son téléphone portable et défendant des crapules de laboratoires pharmaceutiques, Michael Longstreet, genre bouzeux « monté à la ville », homme simple, volontiers goujat et brutal (il abandonne le hamster de sa fille sur le trottoir new yorkais), Nancy Cowan, prototype de la femme d’intérieur prise pour une idiote par son mari et qui juge prudent de ne pas le détromper, et Pénélope Longstreet, l’exact contraire de Nancy, femme de gauche, intellectuelle du couple et régentant tout avec la bénédiction de son mari (qui a les mêmes raisons que Nancy Cowan).

Et bien qui croyiez-vous que notre écrivaine a pris comme tête à claques ? Eh oui, bien sûr, la gauchiste ridicule, la New Yorkaise qui s’intéresse à l’Afrique et aux Africains (Peuh ! Grotesque !), snob comme un pot de chambre d’évêque qui étale ses beaux livres sur Bacon et Kokochka.

Et puis, comme le vernis ne craque ni assez vite, ni assez fort, notre grande dame de théâtre va faire picoler tout son petit monde, ce qui rendra les scènes encore plus violentes et tout le monde sera content, car que peut-il y avoir de plus jouissif que de voir des bourgeois stupides et saouls se bouffer le nez pour des broutilles ?

Il est d’ailleurs assez amusant de constater que la pièce originale, située en France, se moquait des caractères procéduriers de certains parents, caractère que nous avions purement et simplement importés des Etats-Unis. Or cette adaptation se situe à New York et nous assistons donc à un retour « dans la terre d’origine ».

Bref, sous ses dehors « intello qui ne s’en laisse pas compter », il nous est étalé ici un ramassis de poncifs démagos qui nous renvoie aux pires piécettes de boulevard des années 50 et 60 qu’on nous étalait toutes les semaines dans Au théâtre ce soir. La différence, c’est que même le public qui regardait ces choses ne les prenait pas pour des chefs d’œuvres philosophiques, alors que madame Reza est prise (et se prend) très au sérieux.

Reste la seule chose à sauver : le numéro d’acteurs ! Le quatre comédiens sont superbes, chacun dans son registre : les deux hommes sont parfaits dans le (faux) calme et l’invective et, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là, Jodie Foster réussit à être superbe dans son rôle de « Pain in the ass », pardon, d’emmerdeuse, défendant avec conviction un rôle imbuvable.

Mais c’est, bien évidemment, Kate Winslet qui emporte le morceau. Son numéro de femme en détresse qui réalise parfaitement que tout est en train de se « barrer en sucette » est à hurler de rire. Et le verbe « gerber » prend avec elle toute sa valeur !

Qui ?... Quoi ?...

Polanski, dites-vous ? Qu’est-ce que le réalisateur de Chinatown, du Locataire et du superbe Ghost Writer vient faire là-dedans ?

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