lundi 21 novembre 2022

The Ghost Writer

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The Ghost Writer (2008) de Roman Polanski

Alors qu’une commission pourrait être nommée par le Tribunal Pénal International pour enquêter sur l’ex-premier ministre britannique, Adam Lang, qui aurait fait livrer des Irakiens à la C.I.A., Irakiens torturés puis exécutés, ledit premier ministre a entrepris de publier ses mémoires.

Son ex-assistant est chargé de les rédiger, mais on retrouve son corps sur une plage de l’île où se trouve la maison que l’éditeur américain de Lang a mis à sa disposition pour la rédaction des mémoires.

L’avocat de Lang engage donc un autre « nègre » qui se met tout de suite au travail. Il doit commencer par lire le tapuscrit de son prédécesseur et ce tapuscrit est soigneusement tenu sous clef par Amelia Bly, assistante de Lang qui vit, avec les autres membres du staff, dans cette maison isolée, ainsi que Ruth, la femme de Lang.

Certains cinéastes sont des réalisateurs de femmes, d’autres des réalisateurs d’homme. Polanski met en scène des lieux, des lieux souvent clos et presque toujours hostiles aux « autres » protagonistes, les humains : le bateau du Couteau dans l’eau, le château-île de Cul-de-sac, l’appartement londonien de Répulsion, le château hanté du Bal des vampires, l’imeuble Dakota de Rosemary’s Baby, l’immeuble du Locataire, le repère de Fagin dans Oliver Twist, le ghetto du Pianiste, la propriété de Quoi ? et bien d’autres…

La maison d’Adam Lang est luxueuse, isolée, moderne et terriblement froide, à l’image des rapports des personnages entre eux.

Et ces rapports froids passent par la manipulation qu’exercent Adam et Ruth Lang sur leur entourage et, surtout, l’un envers l’autre, ce qui apparaîtra surtout à la fin du film.

Au niveau de l’interprétation, c’est encore la froideur qui domine : froideur goguenarde chez Ewan McGregor (Le Nègre), froideur calculatrice chez Olivia Williams (Ruth Lang), froideur professionnelle chez Kim Cattrall (Amelia Bly) et froideur « bouillonnante » chez Pierce Brosnan (Adam Lang). Ce qui tend à prouver qu’une grande interprétation (ils sont tous superbes) n’est pas forcément proportionnelle aux nombres de crises d’hystérie que fait le personnage.

Mais ce qui ressort de tout cela n’est pas froid : le thriller est parfaitement réussi, le discours est clair et on ne reconnaît que trop bien les méthodes crapoteuses de la C.I.A.

Lorsque Robert Merle écrivit La Mort est mon métier, il donna à son (anti-)héros le patronyme de Lang : Rudolf Hoess, commandant en chef d’Auschwitz entre 1941 et 1945, y devenait Rudolf Lang. Robert Harris, pour son roman, reprend, probablement par hasard, ce même patronyme de Lang et cet Adam Lang est, bien évidemment, Tony Blair.

C’est également le hasard qui voulut que Roman Polanski fût incarcéré en Suisse à cause de cette vieille histoire (34 ans) de détournement de mineur, au nom de laquelle le réalisateur risque la prison dans tous les pays ayant des traités d’extradition avec les Etats-Unis.

Et ce seul pays dans lequel Polanski risque la prison pour une histoire de mœurs est précisément le seul pays dans lequel Adam Lang peut se réfugier puisque la « plus grande démocratie du monde » ne reconnaît pas le Tribunal Pénal International, surtout lorsque ce « grand et beau pays » se trouve être du côté des méchants, une sorte « d’axe du mal » (pour employer la terminologie débile et curetonne du prédécesseur de l’actuel président des Etats-Unis).

Le film dissèque toute cette méthodologie feutrée et implacable qui coûtera cher au « nègre » lorsqu’il aura (comme son prédécesseur et grâce à lui) trouvé la vérité.

Le roman de Robert Harris a été traduit en français sous le titre L’Homme de l’ombre. Lorsque le film de Polanski fut sur le point de sortir, les premiers films annonces intitulaient le film Le Nègre. Bien évidemment les ligues de vertu et toute la bien-pensance bobo française s’insurgèrent et le film sortit sous son titre original. Il n’est pas inutile de rappeler que « nègre » se réfère, étymologiquement, à la couleur noir, c'est-à-dire aux ténèbres, à ce qui ne se voit pas et non à une quelconque référence à l’esclavage des êtres humains qu’on qualifiait de « noirs » (improprement, puisqu’il s’agit seulement d’un pigment de peau plus épais, donc plus coloré que celui de ceux qu’on qualifie, tout aussi improprement d’ailleurs, de « blancs », mais qu’on appelle maintenant « black » : c’est tellement plus correct, dans la langue du pays du KKK !!!). Est-ce que le politiquement correct inculte va nous emmerder encore longtemps ?

Heureusement, le film de Polanski est très au-dessus de ça. On sait qu’il est l’auteur de films sublimes et si The Ghost Writer n’est peut-être pas son plus grand chef d’œuvre, c’est tout de même l’un de ses plus grands films.

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