mardi 15 novembre 2022

Une séparation

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Jodaeiye Nader Az Simin (جدایی نادر از سیمین )(Une séparation) d’Asgar Farahdi (2010)

 Lorsque Simin quitte Nasser, celui-ci est bien obligé d’engager quelqu’un pour s’occuper de son père qui a la maladie d’Alzheimer.

 Razieh, une aide-soignante, est une femme très pieuse et il n’apparaît pas au premier abord, vu les vêtements qu’elle porte, qu’elle est enceinte.

A sa demande, Nader est prêt à engager le mari de Razieh, Hodjat, à sa place, mais alors qu’elle fait son deuxième et dernier jour chez Nader, celui-ci rentre inopinément et trouve son père couché par terre, seul et attaché à son lit. De plus, une somme d’argent a disparu d’un tiroir.

Lorsque Razieh revient, il l’accuse et la met dehors. Elle tombe dans l’escalier et fait une fausse couche.

Il y avait bien longtemps qu’on n’avait vu une telle unanimité (publique et critique) à propos d’un film.

Il est vrai que Farahdi a tout pour plaire. Son récit est mené de main de maître et il sait manier la nuance comme personne dans un contexte difficile, l’Iran actuel où ce qui est nuancé est considéré comme incongru et obscène. Et c’est ce qui fait la force de ce film, comme la force de La Fête du feu, un autre film de Farhadi.

La critique est moins virulente que dans Au revoir de Mohammad Rasoulof ou dans Téhéran de Nader T. Homayoun.

Mohammad Rasoulof et Jafar Panahi viennent de voir leurs condamnations confirmées en appel : 6 ans de prison et 20 ans d’interdiction de filmer pour Panahi et un an de prison de Rasoulof.

Quant à Homayoun, il naquit et grandit à Paris de parents iraniens en exil à l’époque du Shah. Il fit avec Téhéran un film probablement très dérangeant pour le régime des Mollahs, présentés comme des mafieux.

Rien de tout cela chez Farhadi qui préfère maintenir le suspense avec des détails qui ont, en Iran, une importance qu’ils n’auraient pas chez nous : les vêtements (traditionnels et plus ou moins obligatoires dans les milieux populaires iraniens) que porte Razieh ne permettent pas de constater « de visu » qu’elle est enceinte et lorsque Nader prétend ne pas l’avoir su, il risque une simple contravention alors qu’il risque 20 ans de prison dans le cas contraire. Et nous apprendrons, in fine, que c’est bien le fait d’être restée seule avec un homme (le père de Nader) un vieillard atteint d’Alzheimer, que Razieh voulait cacher.

L’autre grande force du film, c’est un des points forts de Farhadi, sa direction d’acteurs : on est en empathie complète avec les personnages grâce à des comédiens d’exception et à la fluidité d’une mise en scène impeccable.

Sarah Bayat (Razieh), Leila Hatami (Simin), Peyman Moadi (Nader) et Shahab Hosseini (Hodjat, le mari de Razieh) sont superbes. Mais j’accorderai une palme particulière à Ali-Asghar Shahbazi, déchirant dans le rôle du père de Nader et à ses regards éperdus de pauvre vieil homme, cause involontaire de toute cette histoire.

Certaines Palmes, Lions et autres Ours ne sont pas toujours dignes d’avoir été octroyés : cet Ours d’Or est entièrement mérité, même si je ne souscris pas entièrement à des propos délirants du genre « on ne s’en remet pas ! » ou « film haletant ». Restons calmes ! Nous sommes en présence d’un grand film d’une intelligence et d’une sensibilité rares, c’est tout ! Mais il faut bien reconnaître que c’est déjà beaucoup !

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