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Marie-Antoinette (2006) de Sofia Coppola
Pour consolider l’alliance, toujours incertaine, entre la France et l’Autriche, l’impératrice Marie-Thérèse marie sa fille Marie-Antoinette à Louis, petit fils et héritier du roi Louis XV.
La jeune fille de quinze ans se retrouve confrontée à une existence morne, régie par une étiquette rigide qu’elle trouve « ridicule ». Elle se sent d’autant plus prisonnière qu’on lui reproche (et à elle seule) la « non-consommation » de son royal mariage, reproches qui lui sont adressés par les courriers de sa mère et par les potins de la cour, attisés par les provocations de Madame Du Barry, favorite du vieux Louis XV.
Pour tromper son ennui et échapper aux reproches de la cour, la jeune souveraine se jette dans les plaisirs du jeu, les somptueuses toilettes et tout ce qui coûte cher dans un pays à l’économie chancelante.
Dans la mémoire collective française, Marie-Antoinette est la reine de France la plus célèbre : elle surpasse en popularité Catherine de Médicis, femme politique de plus grande importance dans une France aussi troublée par les guerres de religion que celle de la Révolution.
Marie-Antoinette, c’est à la fois la petite dauphine de quinze ans, la jeune reine ivre de plaisirs coûteux et la femme de trente-neuf ans, prématurément vieillie, dans la charrette qui la mène à l’échafaud.
Sofia Coppola ne s’intéresse qu’aux deux premières : le film se termine sur « l’exil à Paris » de la famille royale, contrainte par le peuple de quitter cette fausse capitale, cette ville dorée haïe des Français, que représentait Versailles, le palais pour lequel Louis XIV saigna la France à blanc.
Le film tourne délibérément le dos à la reconstitution historique : une paire de « Converts » traîne au milieu des souliers de satin et les talons bobines, les invités d’un bal masqué dansent une sorte de menuet sur une musique rock dans l’escalier du Palais Garnier (qui sera construit cent ans plus tard).
Marie-Antoinette évolue dans un monde hostile, mais où tout, jusqu’aux pâtisseries, est rose bonbon. Dans l’esprit, la vision de Sofia Coppola est curieusement tout à fait conforme à ce que les Français d’aujourd’hui pensent de « L’Autrichienne » : la petite princesse mal mariée à un dadais impuissant, rendue responsable de l’absence d’héritier au trône de France, va devenir une vraie compagne pour ce roi improbable qui finira par payer de sa tête, l’incurie de son grand-père et les frasques coûteuses de son arrière-arrière-arrière grand-père. Mais le film de Sofia Coppola s’intitule Marie-Antoinette et non « Les Raisons de la Révolution Française » : la jeune réalisatrice s’intéresse à son personnage éponyme et à lui seul. Tout ce qu’elle a tourné (près de trois quarts d’heure de film) en dehors de la vie de la reine a été coupé au montage.
Sofia Coppola s’immerge complètement dans son sujet et entraîne le spectateur dans sa vision, dans ses fantasmes et dans ses excès. Alors que fleurissent un peu partout des « faiseurs de films » plus sensibles aux effets d’épates qu’à la profondeur des histoires qu’ils racontent ou de l’empathie qu’ils peuvent ressentir pour des personnages, au demeurant sans consistance, Sofia Coppola nous immerge dans son univers et nous fait croire à tout, y compris aux pires invraisemblances. Elle dirige ses comédiens de façon remarquable et il faut les voir tous, de Kirsten Dunst (Marie-Antoinette) à Asia Argento (La Du Barry) en passant par Marianne Faithfull (Marie-Thérèse), prendre les personnages à bras-le-corps.
C’est un cinéma à la fois passionné et réfléchi, le contraire d’un cinéma d’effets. L’exigence d’une réalisatrice de talent, tout simplement.
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