lundi 14 novembre 2022

Vivre libre (Renoir)

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This Land is Mine (Vivre libre) de Jean Renoir (1943)


Les nazis viennent d’envahir un pays d’Europe, à la suite de la presque totalité des autres.

Dans ce pays, Albert Lory, petit instituteur faible et maladroit, est amoureux de Louise Martin. Elle est fiancée à Georges Lambert, collaborateur notoire et patron de Paul Martin, frère de Louise.

Albert vit sous la domination et la surveillance constante de sa mère qui n’aime pas beaucoup la famille Martin.

Lorsque Paul jette une bombe sur les Allemands dans la rue, des otages sont désignés : parmi eux, le directeur du collège d’Albert et Louise sont fusillés.

Albert fait également partie des otages, mais sa mère dénonce Paul à Georges qui le dénonce à son tour à la Gestapo. Albert est libéré, mais Paul est abattu en tentant de fuir.

C’est le film le plus décrié de l’œuvre de Renoir. Même Elena et les hommes ou Le Testament du docteur Cordelier, autrement mauvais, n’ont jamais été considéré, à l’instar de ce film-ci, comme des ratages sur lesquels il fallait « jeter un voile pudique ».

Vivre libre n’est pas le navet tant décrié par les thuriféraires de Renoir qui lui reprochent, comme à René Clair et Julien Duvivier, d’avoir eu la clairvoyance de quitter la France avant la catastrophe. Il est à noter que Marcel Carné et tous les autres réalisateurs français qui ont eu le malheur de travailler pendant l’occupation font l’objet du reproche exactement inverse et tout aussi injuste.

Bien entendu, on enveloppe ça dans des considérations de forme : absent, Renoir donne une image fausse de la Résistance. La seule différence avec ceux qui étaient en France et en connaissaient à peine plus, c’est que les émigrés, eux, parlent de la Résistance et du nazisme.

Cela dit, Renoir n’a la force ni de Zinnemann (La Septième croix), ni de Lang (Les Bourreaux meurent aussi), autres émigrés pour qui il ne viendrait à l’idée de personne de reprocher « la désertion ».

Reste un film tout de même un peu ennuyeux, très bavard et trop théâtral dans la forme. Maureen O’Hara n’est pas très convaincante et Kent Smith a toujours été mauvais. Una O’Connor fait son numéro habituel de semi-sorcière. Plus intéressante est l’interprétation du nazi Von Keller par Walter Slezack. Sanders quitte, pour une fois, son image de cynique pour un personnage plus riche qu’il n’y paraît, même s’il semble, comme à son habitude, quelque peu s’ennuyer.

Mais le clou de l’interprétation, c’est le grand Laughton. Même si le personnage d’Albert n’est ni Quasimodo, ni Henry VIII, il le fait sien, comme tous les grands. Sa plaidoirie sur la lâcheté est un grand moment dramatique, visiblement écrit sur mesure pour l’un des plus grands comédiens de l’histoire du cinéma, résumé il y a quelques années par l’avant-scène en deux mots : la pesanteur et la grâce.

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