samedi 10 décembre 2022

Le Testament du docteur Cordelier

M Le Testament du docteur Cordelier

Le Testament du docteur Cordelier (1959) de Jean Renoir


Un étrange individu, Opale, terrorise les passants dans les rues et va jusqu’à tuer. Il est lié au docteur Cordelier, respectable psychiatre (ou psychanalyste) qui a fait d’Opale son légataire universel.

A l’époque bénie de la vague dite « nouvelle », ceux que je persiste à appeler « les petits messieurs » étaient partis, tels de Saints Boys scouts en croisade contre ce qu’ils appelaient « la qualité française », sans toujours bien distinguer les uns des autres : leurs cibles allaient du tâcheron (Jean Delannoy) au vrai réalisateur de talent (Clouzot) en passant par des cinéastes certes inégaux dans leurs filmographies, mais qui avaient tout de même quelque chose dans la caméra (Autant-Lara, René Clément, Marcel Carné, Yves Allégret).

Dans le même temps, ils encensaient des Grémillon (dont le côté gnan-gnan m’a toujours hérissé le poil) et, surtout, celui qu’ils appelaient « le patron », Jean Renoir. Sauf que le réalisateur de La Règle du jeu n’est plus du tout ce qu’il a été : plus de Grande illusion, plus de Toni, plus de French Cancan, de Bête humaine, ni de Partie de campagne. Il n’est plus, à ce moment-là que le réalisateur du médiocre Elena et les hommes dans une filmographie qui ne va pas en finir de descendre pour échouer lamentablement sur ce Testament du docteur Cordelier de sinistre mémoire : pour être exhaustif, il est indispensable de mentionner Le Petit théâtre de Jean Renoir que le « patron » réalisera pour feu l’O.R.T.F. en 1969 et qui contient quelques jolis moments, sans mériter non plus qu’on se lève la nuit.

Mr Hyde est le double malfaisant du docteur Jekyll qui réussit à se dédoubler grâce à une potion. La R.T.F. a dû faire office (sans mauvais jeu de mots) de potion pour le réalisateur de La Règle du jeu et de French Cancan, transformé ici en sous-produit dégénéré, sorte de rejeton infernal de Claude Loursais (celui des Cinq dernières minutes) et de Jean-Luc Godard.

Et pour pondre cette « chose », Renoir-Hyde n’a pas lésiné sur les moyens : image d’une laideur à vomir, musique envahissante et très mauvaise de Kosma (Joseph, celui des Feuilles mortes, eh oui !), montage flasque de Renée Lichtig, interprétation qui se serait faite huer dans un spectacle paroissiale de fin d’année, « dominée » par Teddy Billis, Michel Vitold et Jean-Louis Barrault, ces comédiens qui nous prouvent que nous n’avons pas seulement les meilleurs comédiens du monde, mais également les pires, sans oublier un scénario d’une mollesse rare et des dialogues grandiloquents, ridicules et pas toujours conformes à ce que nous appellerons pudiquement un Français correct.

Bref, on a l’impression que l’hospice du coin a été pris en otage par les papis et les mamies qui, associés aux débiles du H.P. voisin, donne leur propre version de Docteur Jekyll & Mr Hyde qui n’est, du reste, même pas mentionné au générique, ce qui permet à Stevenson d’échapper au massacre.

Naturellement, cette merde a fait hurler d’admiration toute la rédaction des « Cahiers du cinéma » de l’époque : les jeunes loups ont toujours été gâteux.

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