vendredi 9 décembre 2022

Thérèse Desqueyroux

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Thérèse Desqueyroux (1962) de Georges Franju

Thérèse Desqueyroux vient d’être acquittée pour la tentative de meurtre sur la personne de son mari Bernard. Le scandale est évité et la bourgeoisie landaise peut respirer.

Dans la voiture qui la ramène à Argelouse, Thérèse se souvient de son passé, de ses fiançailles avec Bernard Desqueyroux qu’elle voulait épouser sans l’aimer vraiment, de son amitié pour Anne de la Trave, la demi-sœur de Bernard et comment lui est venu l’idée d’empoisonner son mari.

Mais arrivée à Argelouse, Thérèse voit se refermer les portes d’une autre prison, celle de l’ostracisation et de l’enfermement dans sa propre maison. Son mari a témoigné en sa faveur, mais il n’a pas pardonné.

Désormais, Thérèse ne sortira plus de la maison « sauf pour se rendre à la messe ou pour les fêtes de famille ».

Et elle ne verra plus sa fille pour qui elle n’a, du reste, jamais eu de sentiment très fort.

Dans les années 60, alors que la télévision balbutiait encore, il y avait des évocations de roman pour lesquelles on tournait à la va-vite, quelques images censées nous mettre « dans l’ambiance » de l’œuvre littéraire traitée.

Ce concept était totalement légitime pour la simple illustration de l’évocation d’un roman, un peu comme les images des éditions illustrées. Malheureusement, il arrivait aussi et, cent fois hélas, il arrive encore, que la simple notion « d’adaptation » échappe aux… « adaptateurs » !

On a donc droit à un commentaire en voix off, quelquefois désespérément ininterrompu, reprenant les pages entières de l’œuvre littéraire originale et lourdement souligné par des images devenues pléonastiques et inutiles. Alors, pourquoi faire un film ?

Le grand Luchino Visconti, quatre ans après avoir remporté la Palme d’Or au Festival de Cannes  avec Le Guépard, réalisait son (réputé) plus mauvais film, L’Étranger, adaptation d’un pur chef d’œuvre de Camus. Les pages du roman étaient certes bouleversantes, mais pourquoi les avoir reprises en voix off dans ce film qui, du coup, devenait atone ?

Franju n’a certes pas le génie de Visconti et, un an avant Le Guépard, sa Thérèse Desqueyroux aura le même défaut que l’adaptation de Camus, défaut souligné encore par le débit « durassien » dont Emmanuelle Riva, trois ans après Hiroshima, mon amour, ne parvenait pas à se débarrasser.

Il en ressort un film plus chichiteux que précieux et plus ennuyeux que pensé. Qui plus est, Franju n’a jamais été un grand directeur d’acteurs. En plus de la lourdeur de l’interprétation d’Emmanuelle Riva, déjà évoquée, on est un peu consterné par le reste du « casting » (comme on ne disait pas encore à l’époque).

Philippe Noiret, qui avait la carrure physique de Bernard Desqueyroux, est fade et semble même parler faux, par moments, un comble dans son cas ! Renée Devillers est une madame de la Trave (la mère de Bernard) excessivement parisienne et Richard Saint Bris, un monsieur de la Trave excessivement gigolo. Sami Frey joue sans conviction les beaux ténébreux, rôle très routinier pour lui et Edith Scob, qui peut être superbe ailleurs et surtout maintenant (chez Carax, par exemple) est désespérément mauvaise chez Franju (y compris, eh oui, dans les très surestimés Yeux sans visage). Lucien Nat (le père de Thérèse) et la délicieuse Hélène Dieudonnée ne font que de brèves apparitions. Seule Jeanne Pérez, dans le rôle très secondaire de Ballonte, le cerbère de Thérèse, est juste et excellente dans son interprétation.

Le thème musical de Maurice Jarre est joli.

Tout cela donne un film sans beaucoup d’intérêt et qui a excessivement mal vieilli.

Toutefois, il me donne très envie de voir l’adaptation de Claude Miller et de revoir La Fin de la nuit, autre adaptation d’un roman de Mauriac qui est bel et bien, quoi qu’il s’en soit défendu, une « suite » de Thérèse Desqueyroux, adaptation tournée quatre ans après Thérèse Desqueyroux pour la télévision par Albert Riéra dans laquelle Emmanuelle Riva et Philippe Noiret reprenaient leurs rôles respectifs.

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