mardi 6 décembre 2022

Salafistes

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Salafistes (2016) de Lemine Ould Mohamed Salem et François Margolin

Les leaders du salafisme au Mali, en Tunisie, en Syrie et en Irak sont interviewés pendant trois années, alors que nous assistons à certains de leurs « hauts faits » : amputation de la main d’un voleur, lapidation d’un homme convaincu d’adultère, procès islamiste grotesque, chasse à la kalachnikov pour tuer une gazelle… ou la population chiite d’un village…

Certains films ont un destin particulier qui va au-delà de ce qu’ils sont et de ce qu’ils veulent représenter.

Autour de ce film-ci ou, plus exactement, « en marge » de ce film-ci, on est bien obligé de prendre en considération d’où il vient et où il va.

Produit par France-Télévisions, il était destiné à être diffusé sur ce qu’on n’appelle plus le « petit » écran.

Seulement voilà, le ministre de la Culture se prononce : « Ce documentaire n’est pas adapté à un public de moins de 18 ans ». Quant au ministre de l’intérieur, il « dénonce » « une apologie du terrorisme » (Raymond Marcelin, sors de ce corps !). La commission de classification, fidèle séide d’une ministre de la Culture qui n’a aucune autorité et d’un ministre de l’Intérieur qui en a trop, fait connaître sa décision : le film sortira interdit aux mineurs ce qui, bien entendu, compromet toute diffusion sur France 3, pourtant producteur de films.

L’interdiction est aujourd’hui levée, mais le mal est fait.

Autre polémique et non des moindres : les « très curieuses ressemblances » entre le documentaire et le film multi-fêté, multi-récompensé Timbuktu. Lorsqu’on entend les réalisateurs de Salafistes, tout particulièrement Salem, et les dénégations à la fois outragés, arrogantes et gênés du vice-ministre Sissako, on se fait une toute petite opinion sur l’affaire et on ne se pose plus vraiment la question de savoir qui est plagiaire.

J’ai vu le film dans une salle parisienne qui le passait le vendredi soir et la projection était suivie d’un débat avec les deux réalisateurs. Naturellement, un des spectateurs a posé la question de la « gémellité » avec le « chef d’œuvre » du vice-ministre Sissako.

La question a également été posée (par moi) d’un passage sur les antennes de son producteur, France-Télévisions, mais tout ce que j’ai pu en comprendre, c’est que ce n’est pas pour tout de suite. Bien évidemment, les adorateurs de Daesh ne semblaient pas pulluler autour de moi lors de ce débat où nous devions être entre 20 et 30.

Pour ce qui est du soupçon de tentative de prosélytisme pro-djihadiste qui a valu l’interdiction aux moins de 18 ans, l’argument ne tient que si l’on considère que les spectateurs ont des QI de salade… ou de salafiste. Y voir un film « de propagandiste », vu la façon dont le film est monté, est faire preuve d’une certaine (Allez ! Restons polis !) courte vue !

C’est d’ailleurs le sens de l’intervention de Claude Lanzmann au moment où le petit soldat Pellerin (« Oui, chef ! Bien chef ! ») a annoncé l’interdiction de Salafistes : « censurer Salafistes n'est pas seulement une atteinte à la liberté d'expression mais, pire, une insulte à l'intelligence du spectateur, fût-il mineur ».

Qui peut croire un quart de seconde qu’un régime qui coupe la main d’un individu au prétexte qu’il a commis un vol, puis qui, du coup, va le prendre en charge pour le restant de ses jours (celui qu’on voit était plombier : avec une seule main, c’est pas évident !) est un régime responsable.

Le film n’apprend pas grand-chose (surtout si on a vu Timbuktu avant), il montre juste que rien des discours rapportés ne tient d’une contre-propagande quelconque : tout ce qu’on leur prête, ils le disent, ils le revendiquent et ils le pensent.

Petit détail amusant : l’affiche du film représente un des rares protagonistes du film qui n’est pas un salafiste puisqu’il fume. En plus, il le dit avec un certain courage, vu le contexte.

Pour le reste, on n’entend que l’habituel discours bondieusard pour tous les tarés culs-bénis de toute obédience religieuse. Mais ce qui est plus curieux, c’est qu’il n’est jamais question « d’exportation » (les attentats terroristes comme ceux de Paris et de Bruxelles), pas plus qu’on entend mentionner le « califat » (mot totalement absent des témoignages du film).

Même si on est assez con pour croire en l’existence d’un pseudo-dieu qui a inventé la dictature, la peste et les camps de concentration, ça a quand même du mal à passer la rampe.

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