dimanche 23 octobre 2022

Timbuktu

=

Timbuktu (2014) d’Abderrahmane Sissako

A Tombouctou, au Mali, les djihadistes ont pris le pouvoir et appliquent la charia, la loi islamique la plus étroite.

Les djihadistes parlent arabe, ils ont des interprètes maliens et de différents dialectes qu’ils ne maîtrisent pas complètement.

Mais ces monstrueux crétins qui s’estiment être les bras de dieu détournent leurs lois à leur profit quand ça les arrange, principalement auprès des femmes qu’ils convoitent et qu’ils violent quelquefois, « en toute légalité ».

Ils interdisent la musique, le football et veulent imposer le port des gants aux femmes, y compris à la vendeuse de poissons !

Seule une chanteuse venue d’Haïti et passant pour une folle, les méprise ouvertement.

Kidane, un éleveur nomade qui vit sous sa tente éloignée de la ville avec sa femme, sa fille et un orphelin qu’il a élevé et qui lui sert de berger, ne se préoccupe pas de ce qui se passe en ville.

Mais la mort de sa vache GPS provoquée par un pêcheur va le faire tuer accidentellement le pêcheur.

On sait bien que les critères d’attribution des prix à Cannes sont très… flous.

Jeux interdits n’obtient aucun prix en 1951, car Jean Cocteau, président du jury, détestait René Clément depuis que celui-ci, au cours d’une interview, avait prétendu être le vrai réalisateur de La Belle et la bête (ce qui était partiellement et techniquement exact).

Glissons pudiquement sur des palmes de triste mémoire (Un homme et une femme) ou de… pas de mémoire du tout (La Parole donnée, La Méprise).

Winter Sleep n’est pas un film déshonorant, il est même excellent, mais lorsqu’on pense que, la même année, Deux jours, une nuit et Sils Maria sont repartis sans rien, on se dit qu’il serait souhaitable que la vieille Campion ne fasse plus partie du moindre jury et à fortiori n’en soit jamais présidente !

Timbuktu n’a rien obtenu au sein de la compétition officielle, alors qu’il était indéniablement le chouchou de la presse spécialisée.

Et, une fois n’est pas coutume, je comprends la critique.

Ne serait-ce qu’en raison du contexte politique, l’ignorance du jury pour ce film, par ailleurs fêté, ne se comprend absolument pas, alors que l’état islamique commence à beaucoup (trop) faire parler de lui, après Al Qaida.

Timbuktu va user contre les « fous de dieu » de l’arme absolue, le rire, tout en restant un film profondément dramatique.

Et une série de personnages (tous maliens) va tourner en ridicule tous ces sinistres crétins de Boco Haram (majoritairement arabes).

Depuis le moudjahidine qui fume en cachette jusqu’à celui qui estime qu’il peut entrer en armes, chaussé et sans avoir fait ses ablutions, dans une mosquée « parce [qu’il est] moudjahidine ». L’Imam local intervient et « le mécréant » est renvoyé à ses chères études (« étudiant » se dit « taliban » en afghan ...).

Globalement, tous les islamistes sont des cons et leur charia, par sa bêtise, confine souvent au surréalisme. Il y a, bien sûr, la scène devenue culte du « football sans ballon » ou celle de la marchande de poissons qu’on oblige à porter des gants.

La population locale, héroïquement, tente de résister comme cette femme qui refuse sa fille à un « soldat de dieu » dont la spiritualité (comme souvent) passe par ses génitoires.

Le film n’est à aucun moment « blasphématoire », mais la religion transparait comme « opium du peuple », ce qui est normal puisque c’est vrai !

Entre les opprimés (la population saine et laborieuse) et les oppresseurs (tous plus tarés les uns que les autres), il y a celle qu’on appelle « La Chanteuse », une Haïtienne que sa folie (réelle ou simulée) met à l’abri des tarés, bien qu’elle soit évidemment du côté des opprimés. Le superbe « Connards ! » qu’elle lance à deux de ces pauvres types qui parlent football est un peu la revanche de l’intelligence sur l’obscurantisme.

Le plus miraculeux dans ce film, c’est sa beauté esthétique. Le premier plan du film (qui sera aussi l’avant-dernier), c’est le galop paniqué d’une gazelle que les mêmes tarés chassent par désœuvrement. Le dernier plan, c’est la course également paniquée de Toya, la fille de Kidane et Salina, qui ignore encore la mort de ses parents à laquelle nous venons d’assister.

Certes, Timbuktu est un film beau et qui peut être drôle par moments, mais qui, de façon remarquablement pudique, montre l’horreur et la violence, comme la séquence du couple lapidé. On ne voit que la « préparation » (ils sont enterrés jusqu’à la tête) et la fin, la dernière pierre qui, après bien d’autres, finit par achever la femme.

Beauté, pudeur, humour, rythme et un scénario quasiment parfait, joint à un casting uniformément superbe, font de Timbuktu un des films remarquables de l’année.

Un excellent film que le jury d’un Festival de Cannes amorphe et, surtout, parfaitement oubliable, ne semble pas avoir vu.

25 mars 2016

Lorsque je reprends un papier ancien, c’est toujours parce que j’ai revu le film traité. Ici, ce n’est pas le cas.

Ou presque !

Presque, parce que j’ai presque « revu » Timbuktu, car j’ai assisté à une projection du documentaire Salafistes de Lemine Ould Mohamed Salem et François Margolin, projection accompagnée d’un débat avec les réalisateurs.

Evidemment, lors du débat, une spectatrice a souligné les « ressemblances » entre le film fêté de Sissako et le documentaire, un brin censuré. Lemine Salem, un brin agacé est revenu (pour la énième fois, ce qui explique son agacement ! ...) sur les faits.

Car, dans Salafistes, on retrouve presque tout : le tribunal islamiste, l’exécution du tueur du pêcheur, le salafiste qui fume en cachette, la « folle » haïtienne, la chasse à la gazelle à la kalachnikov, etc… Bien sûr, l’image est moins belle, moins léchée. Et puis, il faut reconnaître que la scène la plus célèbre du film (la partie de foot sans ballon) n’est pas dans le documentaire, comme celle de la marchande de poissons dont les djihadistes exigent qu’elle porte des gants.

Plus que du film Timbuktu, c’est la personnalité douteuse de son réalisateur qui est en cause. En fait, on se rend rapidement compte que le plagiat, dans son cas, n’est pas le problème, mais bien la partie émergée du problème.

Nicolas Beau s’en prend, le 20 février 2015, au « cinéaste-vice-ministre » sans aménité sur le site Mondafrique : « Sans même entrer dans les qualités supposées d'un film juste ennuyeux, bourré de clichés et qui donne du drame malien des images lécher et sans compte actualisation il faut rappeler qui est vraiment l'auteur de l'œuvre Abderrahmane Sissako. Toujours paré d’une chemise blanche immaculée et largement ouverte, ce BHL des dunes n’est cinéaste qu’à ses heures perdues. Ce qui le nourrit ces dernières années, ce sont ses fonctions de conseiller « culturel » attitré du président Mohamed Ould Abdel Aziz, le chef d’État mauritanien qui a imposé à son peuple une médiocre dictature de sous-préfecture, en faisant main basse sur les richesses de son pays. »

Lorsqu’on demande à monsieur Sissako son point de vue, il ne trouve rien d’autre que de prendre des postures : il joue le mépris vis-à-vis des deux réalisateurs dont il a pillé les rushes après les avoir « rejoints » dans le projet de documentaire, puis les avoir lâchés, dans le style « Ben, finalement, non… », non sans s’être servi sur le matériel tourné par Salem, souvent au péril de sa vie. Il joue également la dignité outragée avec des arguments grotesques : l’idée du documentaire venait de lui et c’est lui qui a été plagié. En d’autres termes, les images du documentaire ont plagié les images fabriquées pour la fiction : cherchez l’erreur !

Même si Nicolas Beau exagère un peu lorsqu’il parle de film « juste ennuyeux », il faut bien avouer que sa critique sonne juste, bien que le site Mondafrique soit, d’après Sissako, un vilain blog appartenant à un vilain Mauritanien fortuné, répugnant opposant au merveilleux et démocrate Aziz, président totalement (anti)démocratique dont le conseiller culturel est… Abderrahmane Sissako !

Etre à la fois l’ami des dictateurs et un plagiaire reconnu inspire-t-il, comme disait un de nos ex-Président de la République, « ce sentiment qu’on appelle le respect… » ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire