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Juarez (1939) de William Dieterle
Après le départ des troupes anglaises et espagnoles du Mexique, Napoléon III décide de maintenir la présence française. Sur les conseils de son épouse Eugénie, l’empereur des Français impose Maximilien de Habsbourg sur le trône impérial du Mexique qui a un gouvernement légitime républicain à la tête duquel se trouve Benito Juarez, Mexicain d’origine Aztèque, vénéré par les Mexicains.
Maximilien et sa femme Charlotte débarquent au Mexique sans avoir été averti de la situation. Mais Charlotte sent que le tableau idyllique qu’on leur a dressé est peut-être trompeur.
Aidé par les troupes françaises du général Bazaine, Maximilien fait reculer les troupes juaristes. Mais il apprend incidemment que le plébiscite qui l’a placé sur le trône n’est qu’une supercherie.
Il songe à abdiquer, mais Charlotte le pousse à négocier avec Juarez.
Comme souvent dans les films « historiques » hollywoodiens, les faits authentiques ont tendance à se télescoper par la faute d’une chronologie quelque peu « fantaisiste ». Mais dans ce film-ci, c’est plutôt « moins pire » que d’habitude.
Tout d’abord, ces glissements sont de peu d’importance, ne concernent que des détails. Et puis surtout, les entorses à la lettre vont dans le sens d’une grande fidélité à l’esprit.
Car Juarez est plus qu’un chef d’œuvre : il inaugure sans le savoir un nouveau genre qui va à l’encontre des imageries vaguement historiques qui l’ont précédé. C’est un vrai film politique, clair, concis (malgré ses presque deux heures de projection) et surtout sans la moindre concession au manichéisme et à la mièvrerie dont Hollywood abuse d’ordinaire.
Deux grandes figures s’affrontent sans que la réalisation ne nous présente un bon et un méchant. Chacune des deux a ses raisons et l’image de Maximilien sort réhabilitée de ce film à la gloire de son héros éponyme. Le fait est assez rare, voire unique, dans l’histoire du cinéma américain pour être signalé. A aucun moment le charisme de Paul Muni, pourtant très populaire, ne l’emporte sur l’empathie très discrète pour ce pauvre Habsbourg, merveilleusement incarné par l’excellent Brian Aherne.
Juarez est plus qu’un chef d’œuvre, mais c’est AUSSI un chef d’œuvre. La photo de Tony Gaudio, qui utilisait le négatif Eastman + X pour la première fois dans un long métrage, vaudrait à elle seule une étude approfondie dans les écoles de cinéma. Les très fameuses peintures de Goya et de Laurens (dont celle qui fut immortalisée par le Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis de Pierre Desproges) sont citées, mais sans ostentation.
La mise en scène est au diapason du scénario de John Huston et Wolfgang Reinhardt, proche de la perfection.
Quant à l’interprétation, elle vaut à elle seule le déplacement : Donald Crips, Gilbert Rowland, John Garfield et Gale Sondergaard font merveille et Claude Rains, seul vrai « méchant » de l’histoire, se taillerait la part du lion dans son interprétation d’un Napoléon III pleutre, retors et souvent ridicule (voir la scène fameuse de la pause sur un cheval de bois), s’il n’était détrôné, si j’ose dire, par la grande Bette Davis, l’impératrice Carlotta, écorchée vive qui basculera dans la folie lorsqu’elle comprendra que son mari est perdu.
Et on gardera longtemps en mémoire l’image de ce couple tragique rêvant dans la nuit mexicaine en écoutant La Paloma, symbole de leur amour, mais aussi d’une paix qu’ils ne connaîtront pas.
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