dimanche 14 mars 2021

My Sweet Pepper Land

 

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My Sweet Pepper Land (2013) d’Hiner Saleem

 Depuis la chute de Saddam Hussein, le Kurdistan irakien est un pays indépendant.

Baran, qui s’est beaucoup battu pour cette indépendance, refuse les honneurs qu’on lui propose et accepte le poste de policier aux confins nord du pays, près de la frontière turque.

Govend, quant à elle, revendique son indépendance vis-à-vis de ses frères (elle est la seule fille au sein d’une fratrie) et son père l’autorise à reprendre son poste d’institutrice dans le village où Baran tient le poste de police.

Baran et Govend deviennent amis et Aziz Aga, caïd local et collaborateur du régime Hussein, fait courir les bruits d’une liaison « immorale » entre ces deux personnes qu’il voudrait chasser car elles nuisent à son emprise sur les habitants et à ses trafics.

Lorsqu’arrivent, en même temps, la jeune et jolie institutrice et le beau shérif qui entend bien faire régner l’ordre et la loi en lieu et place du chef des bandits locaux qui faisaient régner le désordre et « sa » propre loi, celui-ci va chercher à faire tuer le policier ou, à tout le moins, lui rendre la vie impossible.

Mais ici, les choses se compliquent. Certes, au pays des westerns, la religion a son importance et on peut sérieusement nuire à un policier en lui faisant une réputation de sauteur, ainsi qu’à la jeune institutrice en l’accusant d’être « de mœurs légères ». Mais on peut facilement imaginer ce que deviennent ces rapports dans un pays gangréné par une religion qui sert de prétexte (comme toutes les religions) aux règlements de compte et à la prise crapuleuse d’intérêt et qui punit de mort tout « écart de conduite ».

My Sweet Pepper Land est donc un western kurde qui commence un peu comme une farce par une scène cocasse de... pendaison. Et la scène est franchement drôle jusqu’à ce que le condamné soit vraiment assassiné (je dis assassiné car lorsqu’une exécution est ratée, ce qui est le cas ici, l’usage veut que le condamné soit gracié et sa peine commuée. Si on s’acharne à vouloir tuer cet homme, c’est un assassinat, même pour ceux, dont je ne suis pas, pour qui la peine de mort n’est pas un assassinat.)

Après cette scène d’un humour noir au vitriol, le western commence.

Et il est remarquable. On y retrouve tous les thèmes et les constantes westerniens : les chevaux, les bandits omniprésents et omnipotents, le shérif, la jeune institutrice, l’opinion publique lâche et hypocrite, la cavalerie (ici ce sont les « amazones turques ») et la tuerie finale des méchants, sans oublier la calomnie d’une pseudo-liaison entre le beau shérif et la belle institutrice, calomnie qui va, naturellement, se transformer en une réelle histoire d’amour.

Bien sûr, le rythme est un peu plus lent que chez Hawks ou chez Ford, mais la beauté des paysages et un certain lyrisme peuvent faire penser à Anthony Mann ou Delmer Daves.

L’ensemble du casting est excellent à commencer par les trois rôles principaux, le héros Baran (Korkmaz Arslan), le méchant Aziz Aga (Tarik Akreyi) et surtout la belle Govend (Golshifteh Farahani).

Cette jeune, belle et talentueuse actrice iranienne, interdite dans son pays, était déjà la belle héroïne du très grand Syngué Sabour d’Atiq Rahiki et l’un des rôles principaux de Si tu meurs, je te tue du même Hiner Saleem, excellent film que j’avais, cependant, trouvé un peu surévalué par la critique hexagonal.

En revanche, ici, je ne fais aucune réserve sur cet étrange western où l’héroïne part seule en montagne pour jouer du Hang, cet étrange instrument qui ressemble, de loin, au couvercle cabossé d’un couscoussier et qui permet de jouer, sur une surface unique, sept à huit notes. Golshifteh Farahani joue remarquablement de cet instrument qu’on penserait arabe et très ancien alors qu’il est suisse et a été inventé en... 2000.

Un western, ça peut décidément être très beau, même quand ce n’est pas américain.

 

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