samedi 18 mars 2023

Le Capitaine Fracasse

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Le Capitaine Fracasse (1942) d’Abel Gance

Le baron de Sigognac vit pauvrement dans son château délabré et envahi par les rats. Par une nuit d’orage, le Matamore d’une troupe de comédiens vient lui demander l’hospitalité pour lui et pour sa troupe. A peine voit-il Isabelle, la jeune première, que le baron tombe amoureux.

 

Et le lendemain matin, il fait ses adieux à son vieux serviteur pour suivre les comédiens et se mêler à la troupe : après la mort de Matamore, Sigognac prend sa place et devient le Capitaine Fracasse.

Selon les moments (et les différents films), on peut être agacé par Abel Gance et tout ce côté chichiteux de ceux qui voulaient, avant tous les autres, que le cinéma fût un art et, qui plus est, un art noble. On peut également être attendri par leurs tentatives novatrices, mais pas toujours abouties.

On peut aussi être admiratif devant la perfection de certains plans ou devant la pertinence de leurs partis pris. C’est le cas ici.

L’adaptation de l’œuvre de Théophile Gauthier est parfaite. Pourtant, elle n’est pas unique : on ne compte pas moins de 12 adaptations du Capitaine Fracasse dont deux pour la télévision  et trois purement italiennes, puisque le roman de Gauthier est très populaire de l’autre côté des Alpes. D’ailleurs, les productions françaises sont toutes franco-italiennes.

L’autre version connue – hélas ! – est celle de Pierre Gaspard-Huit avec le pauvre Jean Marais dont on aimerait qu’il fit encore plus de cascades, ce qui lui éviterait de… parler.

Mais laissons de côté ce « Sigognac chez Michou » pour nous intéresser à celui qui avait la prestance, la drôlerie, le panache et le charme du Sigognac originel, Fernand Gravey. Et si Assia Noris est un peu pâlotte dans le rôle de la jeune première et Jean Webber, un peu trop « gommeux » dans celui du duc de Vallombreuse, Roland Toutain, Lucien Nat, Alice Tissot et Roger Blin nous offrent de biens jolis moments.

Mais la palme va sans conteste à Paul Oettly, hallucinant Matamore, qui, dans la scène de la mort, arracherait des larmes à une pierre, une mort appuyé à un arbre qui nous évoque à la fois celle du Don Quichotte de Massenet et, naturellement, celle du Cyrano de Bergerac de Rostand.

D’ailleurs, Gance s’est beaucoup raccroché à la référence Cyrano : la scène du duel entre Sigognac et Vallombreuse est calqué sur la fameuse tirade des nez. Et le même Sigognac viendra à bout des 93 malfrats qui lui ont tendu un piège à la Porte de Nesles, précisément à l’endroit où Cyrano défait les 100 spadassins venus tuer Lignière. Après tout, comme le lui rappelle Valombreuse : « Hâbleur, vous êtes de Gascogne ! ».

Film somptueux, comme on se plaisait à en tourner en cette période de pénurie de tout (1942 !), Le Capitaine Fracasse est « costumé » par Beytout et mis en musique par Arthur Honegger avec le concours de Vina Bovy, soprano de l’Opéra de Paris. Il eut mérité pour tout cela un succès comparable à celui des Visiteurs du soir, mais Abel Gance n’a jamais été un réalisateur « grand public ». Il serait peut-être temps de réévaluer certaines de ses réalisations comme Marie Tudor, Cyrano et d’Artagnan (Tiens, encore eux !) ou ce très grand Capitaine Fracasse.

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