Tambien la lluvia (Même la pluie) d’Iciar Bollain (2010)
Sebastiàn réalise un film sur les conquistadors espagnols. Le budget étant très serré, le tournage a lieu en Bolivie.
Lorsque Sebastiàn et son producteur Costa choisissent quelques Indiens Quechua censés interpréter des Aztèques, il remarque particulièrement Daniel, un « emmerdeur », à qui Sebastiàn, contre l’avis de Costa, confie le rôle de Hatuey, un chef indien qui fut brûlé vif par les conquistadors pour avoir refusé la domination du roi d’Espagne et la foi chrétienne.
Mais parallèlement, Daniel est également à la tête d’un groupe de ses concitoyens qui refusent la privatisation du service des eaux décidé par le gouvernement bolivien, privatisation qui provoque des troubles dans tout le pays.
A Cochabamba, en Bolivie, une série de manifestations de plus en plus violentes avait eu lieu en avril 2000 et le président bolivien avait dû déclarer l’état d’urgence. Dans ces manifestations, un jeune homme avait trouvé la mort. La raison de ces troubles, c’était le manque d’eau, prétexte commode pour accorder à une seule entreprise privée américaine la gestion de toutes les eaux (« Même la pluie »). Devant le risque d’embrasement l’entreprise avait abandonné et le gouvernement bolivien avait bien été obligé de reculer.
Ce sont un peu ces évènements que raconte le quatrième film d’Iciar Bollain. Mais l’extrême habileté du scénario, c’est d’avoir placé ces évènements dans une ville où se tourne un film sur l’histoire des conquistadors et la tentative de révolte des Indiens spoliés, tentative qui se soldera par leur destruction pure et simple.
Avec beaucoup plus de finesse qu’il n’y paraît, le film joue sur la correspondance entre les deux époques et les deux conflits : lorsque le réalisateur demande aux femmes de faire semblant de noyer leurs enfants, celles-ci refusent car, pour elle, la violence induite par l’ébauche seule du geste est aussi intolérable que le geste lui-même.
Et la scène du bûcher où Hatuey exhorte son peuple et maudit ses bourreaux en mourant dans les flammes est pour Daniel, son interprète, la sinistre répétition de la répression qui va s’abattre sur lui.
Le film est d’une grande facture et les interprètes sont au niveau : Gael Garcia Bernal est Sebastiàn, le réalisateur plutôt de gauche, mais dont l’empathie pour ses interprètes se limite au cadre de son film ; Luis Tosar est Costa, le producteur, l’exact contraire de Sebastiàn, celui qui n’a pas de grands principes à la base, mais sera prêt à tout pour sauver Daniel et sa famille. Alberto (Carlos Santos) interprète du rôle de Bartolomeo de Las Casas, le moine qui rendit compte pour la postérité des atrocités commises par les conquistadors contre les Indiens, sera pas plus à la hauteur du personnage qu’il interprète que Sebastiàn n’est à la hauteur des idées qu’il affiche comme les siennes.
Toutes ces correspondances, tous ces ponts entre une fiction en train de se faire et des évènements sociaux dramatiques inspirés par des évènements tragiquement réels sont autant de jeux de miroirs passionnants dans un scénario remarquable et un film superbement maîtrisé.
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