Capote (Truman Capote) de Bennett Miller (2005)
Truman Capote est un écrivain new-yorkais très à la mode quand il découvre un fait divers dans le New York Times du 16 novembre 1959.
A Holcomb, dans le Kansas, une famille de fermiers, les Clutter, sont sauvagement massacrés par deux jeunes marginaux pour quelques dizaines de dollars et un poste-transistor.
Capote se rend à Holcomb. Il commence par s’attirer la méfiance des « locaux », les habitants de la « Bible Belt » ces villes peuplées de protestants rigoristes qui vont être choqués par ce New-Yorkais exubérant à la voix haut perché et au comportement qui leur est complètement étranger.
Mais il va très vite s’imposer et commencer à écrire ce qu’il appellera un roman-vérité, un « True Crime » qui va lui valoir une renommée planétaire, mais aussi le détruire.
Ça s’appelle une mise en abîme. Un romancier « invente » le « roman de non fiction » en s’emparant d’un fait divers et en le racontant dans un roman sans (presque) rien de romanesque.
Une adaptation de ce « non roman » de « non fiction » va être scénarisé, puis tourné avec des comédiens qui jouent des personnages réels et ce, un an après la parution du « non-roman », cette enquête dans laquelle l’auteur s’est personnellement impliquée jusqu’à se brûler.
En 1996, c’est la télévision américaine qui s’empare du roman de Capote en tournant une adaptation sous la direction de Jonathan Kaplan alors que 26 ans auparavant, c’était la télévision française qui s’y était collé dans une autre adaptation signé Abder Isker, en 1972.
Et puis tout se complique, quarante ans après les faits et un tout petit peu moins après la parution du livre, quand deux films sortent à très exactement un an de distance, respectivement le 2 septembre 2005 et le 2 septembre 2006, aux Etats-Unis. Le deuxième est Infamous (Scandaleusement célèbre) de Douglas McGrath. Le premier est le film qui nous intéresse ici : les deux films racontent la genèse non du fait-divers, comme le roman et l’adaptation de Brooks (ainsi que les deux adaptations télé), mais celle du livre et de son impact sur son auteur.
L’idée n’est pas, à priori mauvaise, encore qu’on puisse s’interroger sur l’intérêt de deux films sur-médiatisant quarante ans plus tard une affaire qui fut, certes, une petite révolution littéraire aux Etats-Unis, mais tout de même un petit peu trop hystérisée, tant à l’époque qu’à la sortie des deux films.
Bien sûr, surmontant tout ça, il y a la personnalité hors norme (surtout à l’époque) de Truman Capote. Homosexuel, extraverti très efféminé et totalement assumé, l’écrivain était typiquement en version new-yorkaise, ce que Jean-Louis Bory appelait une « pédale mandarine », un homosexuel en vogue qui en rajoute dans le style « grande folle » pour faire rire tout le monde.
Alors évidemment, jouer Truman Capote, c’est se placer en première ligne, dans la course aux Oscars en se disant : « C’est un rôle à Oscar, je veux l’Oscar, j’aurai l’Oscar ! ».
Du coup, le cabotinage de Philip Seymour Hoffman a eu l’Oscar.
En réalité, le cabotinage du comédien est insupportable. Grand et massif, il est l’exact opposé physique de Truman Capote. Il prend donc l’attitude de l’acteur de composition : Capote était myope ? Hoffman met des lunettes (Bon ! Ça, c’est normal !). Capote avait une voix haut perchée, Hoffman (qui avait une voix plutôt grave) monte de deux ou trois octaves en parlant à mi-voix et lentement pour ne pas forcer…
Mais tout ça, c’est du truc terriblement superficiel qui semblait parfaitement convenir au réalisateur et au comédien qui s’auto-congratulent tout le long de leur commentaire off dans le DVD du film.
Le problème, c’est qu’il existe un autre film qui raconte la même chose et, bien sûr, cela appelle la comparaison : et Toby Jones dans Scandaleusement Célèbre apporte une intensité au personnage dont Hoffman ne se soucie même pas. Et il a tort.
Côté positif (il y en a !), le film montre ce que De sang-froid ne montrait pas, comme la cellule qui se trouve dans un prolongement de la cuisine du logement de fonction du shérif, cellule dans laquelle est incarcéré Perry Smith dans l’attente de son procès.
Dans le livre, Perry fait des confidences à la femme du shérif et c’est là, sans doute, que le petit voyou s’humanise et devient touchant. Cette femme est absente du film de Miller, remplacée par Capote lui-même, ce qui pourrait bien être un retour de ce qui s’est réellement passé. Il est à noter que cet épisode de la cellule dans la cuisine est complètement absent du film de Brooks.
Autre point positif, le film de Miller distille assez intelligemment l’idée de « cannibalisme » de l’écrivain, le côté « Ils doivent mourir pour que je puisse finir mon bouquin » qui correspond un peu, très probablement, à ce que pensait Capote, mais surtout à cette doxa répugnante qui veut que l’ŒUVRE doive primer sur tout, même sur une (ou deux) vie(s) humaine(s).
Pour le reste, et bien qu’adapté de la biographie de Capote de Gerald Clarke, le film ressemble à un mauvais remake du film de Richard Brooks dans lequel on aurait « injecté » le personnage de Capote. C’est très (trop) sage, très (trop) léché… Les couleurs semblent avoir été effacées, ce qui donne un film « gris », mais traversé de plans très beaux. Après tout, c’est aussi pour ça que De sang-froid de Richard Brooks est en noir et blanc.
Ces « changements de couleur » peuvent aussi, malheureusement, devenir gênants : Catherine Keener qui interprète la fidèle Nelle Harper Lee, meilleure amie de Capote et auteure du fameux roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, est verdâtre de bout en bout.
Le film n’est pas déshonorant, il est juste inintéressant.
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