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Tandem (1986) de Patrice Leconte
Michel Mortez anime un jeu radiophonique de questions-réponses : c’est un vieux beau un peu pompeux. Il est assisté de Christian Riveto, chauffeur, preneur de son, comptable et, accessoirement, médecin, faux confident, public permanent et conscience.
Mortez présente son jeu depuis vingt-cinq ans, fait tous les jours les mêmes plaisanteries et ce qui doit arriver arrive : Riveto apprend que le jeu est supprimé. Il ne peut se résoudre à l’annoncer à Mortez et va jusqu’à intercepter les courriers et les coups de téléphone.
La vie continue donc comme si rien n’avait changé, de chambre d’hôtel minable en casino ringard.
La fameuse scène d’ouverture au cours de laquelle Riveto pile après avoir vu « un grand chien rouge » traverser la route est symptomatique de ce film atypique, mêlant surréalisme, humour et, au bout du compte, détresse.
Détresse de l’animateur ringard, mythomane et malade, détresse de son chauffeur, preneur de son et tant d’autres choses, cloué aux côtés de ce cabot qui finira par représenter sa seule famille, mais également détresse du pauvre professeur de science, candidat malheureux, d’une Bovary divorcée qui, maladroitement, jettera à la figure de Mortez ses compromissions pour oublier son propre ratage, détresse d’une serveuse de restaurant qui ne peut qu’avoir des amants de passage ou détresse d’un vieux gardien de nuit style ancien combattant, qui saoule ses interlocuteurs de ses histoires de ganache, uniquement pour ne pas rester seul.
Car la force de Tandem, c’est son thème récurrent : la solitude. La solitude montrée avec juste assez d’humour et de distance pour n’être ni caustique, ni sentimentaliste.
Et ce thème de la solitude et de la tristesse, il le reprendra, en plus noir, dans Monsieur Hire où, sans faire oublier Julien Duvivier et Michel Simon, Patrice Leconte et Michel Blanc réaliseront le pendant « compassionnel » de Panique.
Car, loin de la causticité racoleuse des Bronzés, ce qui fait la force de Leconte, c’est la compassion avec laquelle il nous présente les déclassés, les ratés qu’il enferme dans un cinémascope inquisiteur, presque menaçant, un format qu’il utilise (et qu’il maîtrise !) comme personne dans le cinéma français.
Sans larmoiement, sans aucune trace de roublardise et d’effets de cape (autre rareté du cinéma français), Tandem est un film bouleversant et Leconte, avec Bertrand Blier, est un réalisateur comme il y en a trop peu dans notre beau pays, quoi que lui-même puisse en dire.
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