Taj Mahal (2015) de Nicolas Saada
Le père de Louise s’installe avec sa femme et sa fille à Bombay, mais comme il n’a pas encore de logement, ils logent au Taj Mahal Palace.
Alors que son père et sa mère sont partis dîner en ville, Louise est restée seule dans la suite du luxueux hôtel.
Au milieu de la soirée, elle entend des bruits étranges, puis des déflagrations. Elle ne tarde pas à s’apercevoir que des terroristes ont envahi l’hôtel et tirent sur tout ce qui bouge.
Louise se cache alors et appelle son père de son téléphone portable.
Signe des temps et c’est normal : le téléphone portable permet des scénarios qui eurent été inenvisageables, il y a une vingtaine d’années.
Certes, nous avons eu les radios sur les bateaux et dans les avions qui nous valurent quelques films fameux (et un certain nombre de nanars retentissants !), mais le portable va plus loin.
Nous avons même eu un film, plutôt bon, racontant l’aventure d’un homme enfermé dans un cercueil avec un téléphone portable pour tout lien avec le monde[1].
Sans le secours des différents décors et obligé de respecter à la lettre les règles de la tragédie classique (unité de lieu, de temps et d’action), le réalisateur se doit de tout baser sur la mise en scène.
Lorsqu’on se lance là-dedans, à moins d’être complètement inconscient, on se doit d’avoir tout peaufiner.
Ici, le plus gros du film se passe dans la salle de bains où Louise s’est réfugiée au premier assaut des « pirates ».
Le suspense est parfaitement réussi et sonne, bien malheureusement, très juste à nos oreilles.
Sans doute, sorti sur les écrans le 2 décembre, a-t-il pâti de sa proximité chronologique avec les tragiques évènements du 13 novembre à Paris. Et c’est d’une grande injustice, car le film est bon et semble très juste au niveau psychologique, comme cette ébauche d’amitié entre Louise et Giovanna, l’Italienne retranchée elle aussi dans sa chambre et qui espère en son mari que Louise voit (de même que nous-mêmes) étendu dans la rue (ce que Giovanna ne voit pas). Il s’avèrera que l’homme n’est que blessé, mais le ressort dramatique de ce supposé décès a un impact effroyablement efficace sur le spectateur.
Réalisé sans esbroufe, mais avec un grand talent et beaucoup d’efficacité, remarquablement interprété (Stacy Martin, Louis-Do de Lenquesaing, Gina McKee, Alba Rohrwacher), le film pose aussi la question du retour, de « l’après » de l’otage à travers cette conversation téléphonique que Louise aura quelques mois plus tard avec un autre « otage » qui veut « tirer un trait ».
On peut aussi admirer l’habileté du scénario en ce qui concerne le message que Louise laisse à son père alors qu’elle pense qu’elle ne reverra plus ses parents et que son père écoutera plus tard, à l’insu de sa fille, mais que Nicolas Saada a le tact de ne pas nous faire entendre.
Taj Mahal aurait sans doute mérité une autre destinée que celle d’une sortie quasi-confidentielle et presque honteuse, au prétexte qu’il traite d’un sujet pour nous d’une douloureuse actualité.