mardi 8 août 2023

Les Nuits de Cabiria

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Le Notti di Cabiria  (Les Nuits de Cabiria) de Federico Fellini (1957)


Cabiria vit de ses charmes dans les faubourgs de Rome. Son dernier amant de cœur, Giorgio, la jette à la rivière en lui volant son sac. Elle feint de croire qu’elle est tombée toute seule et que Giorgio est parti chercher du secours, mais elle sait que c’est faux. Son amie Wanda l’exhorte à se méfier des hommes, mais Cabiria rêve du grand amour.

 

Pour se changer les idées (et changer d’air), elle décide d’aller travailler Via Veneto pour un soir. Là, elle rencontre, par hasard, Alberto Nazzari, une star de cinéma.

Le Notti di Cabiria est le dernier Fellini directement néoréaliste. Trois ans après sa réalisation, il obtiendra la Palme d’or à Cannes pour La Dolce vita et entamera la deuxième phase de sa carrière, la plus prestigieuse, avec 8 ½, Giulietta degli Spiriti, Toby Dammit, I Clowns, Fellini Satyricon, Roma et Amarcord.

Cependant, à titre personnel, c’est cette première période que je préfère, entre Le Sheik blanc et, justement, Les Nuits de Cabiria. Car c’est au sein du mouvement néoréaliste que Fellini allait, paradoxalement, imposer son thème récurrent, le rêve : rêve d’une petite bourgeoise pour un héros mythique (Le Sheik blanc), rêve d’une simple d’esprit pour son tortionnaire (La Strada), rêve de départ pour de jeunes désœuvrés de province (I Vitelloni), rêve de grande arnaque pour de minables escrocs (Il Bidone) et surtout, rêve de grand amour pour une petite prostituée. Dans la deuxième partie de sa carrière, ce thème de fond du rêve laissera la place à de longues séquences oniriques, mais dans la forme cette fois.

Cabiria n’a pas de souteneur. On est loin du cliché de la pauvre pute triste battue par son maquereau. Cabiria est gaie, même après que son dernier grand amour l’a balancée à la flotte en lui piquant son sac.

D’ailleurs, on ne voit à aucun moment Cabiria « monter » avec ses clients si ce n’est Alberto Nazzari, la star de cinéma, avec qui, il ne se passera rien, sexuellement parlant. Car le sexe n’est jamais mentionné : Cabiria est prostituée comme on est ouvrière d’usine ou caissière de magasin. Son travail n’est pas sa vie ; sa vie, ce sont ses discussions, ses rigolades et ses disputes avec ses « collègues », c’est l’achat de sa maison. Mais c’est surtout ce grand amour hypothétique qu’elle pensera trouver avec Oscar, minable petit voleur contraint de jouer les sentimentaux pendant un certain temps pour pouvoir délester la pauvre fille de ses chères économies.

Dans le style, il y a tout le Fellini qu’on aime : les quartiers populaires de Rome que l’ambiance nocturne transforme en ville fantomatique, l’interprétation superbe dominée par une Giulietta Masina, moins « tire-jus » mais plus émouvante en Cabiria qu’en Gelsomina, et, bien sûr, la superbe partition de Nino Rota particulièrement réussie dans une romance qui accompagne Cabiria, « revenue sur terre » après avoir tout perdu, mais confiante en l’avenir grâce à une petite troupe de désœuvrés (ceux de la future Dolce vita) qui semblent ne jouer aux clowns que pour la faire sourire dans l’un des plus beaux finals de Fellini.

Rien de commun, donc, avec les péplums dont la mode était revenue en Italie dans les années cinquante. Et c’est pourtant avec malice et un certain esprit de dérision exempt de mépris (Fellini ne méprise jamais et c’est ce qui fait sa grandeur et sa force) que ce Romain (d’adoption) farceur donne à son personnage le nom de l’héroïne du film fondateur du cinéma italien, Cabiria que réalisa Giovanni Pastrone en 1914 sur un scénario de Gabriele d’Annunzio.

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