jeudi 30 avril 2020

Cyclone à la Jamaïque


A High Wind in Jamaica (Cyclone à la Jamaïque) d’Alexander Mackendrick (1965)
 Dans la première moitié du 19ème siècle, les Thornston, planteurs anglais à la Jamaïque, décident d’envoyer leurs cinq enfants faire leurs études en Angleterre.
Mais peu après avoir embarqué, le bateau est arraisonné par des pirates qui s’emparent du butin et emportent également, par erreur, les enfants.
Le capitaine des pirates, Chavez, se retrouve lesté de cette « cargaison encombrante » qu’il compte bien déposer à la première escale qui est l’île de Tampico. En attendant, il les prend sous sa protection.
Malheureusement, la flotte anglaise poursuit Chavez, car le capitaine du bateau attaqué a prétendu que les enfants avaient péri lors de l’abordage des pirates.
La piraterie n’est plus punie de mort sauf s’il y a mort d’homme. Et John Thornton, l’aîné des cinq enfants, meurt accidentellement sur l’île de Tampico en tombant d’une fenêtre.
Un an après Zorba le Grec, succès au box-office et énorme succès personnel pour Anthony Quinn, l’acteur américano-mexicain incarne Chavez, pirate sans foi ni loi, mais avec un cœur gros comme ça. Le temps d’une séquence, il retrouve Lila Kedrova, mère maquerelle dans Zorba et… mère maquerelle ici. Mais contrairement à Zorba le Grec, Cyclone à la Jamaïque ne sera pas un succès.
« Cyclone à la Jamaïque fut une aventure par bien des côtés désastreuse » avoua Alexander Mackendrick qui rêvait depuis longtemps d’adapter le livre de Richard Hughes.
En fait, le script de Mackendrick mettait les enfants au premier plan et il fut tourné ainsi. Mais la Fox censura et beaucoup de ces scènes furent purement et simplement coupées. La Fox voulait un film de pirates avec quelques enfants comme accessoires et dans un style correspondant à ce que tournaient les studios Disney à l’époque.
Mackendrick voulait, quant à lui, montrer les enfants, les adultes et leurs rapports quelquefois ambigus, tout particulièrement entre Emily et Chavez.
Mais si on excepte les scènes finales où le procureur essaie, d’une façon un peu salace, de faire parler la petite fille sur le sujet qu’elle sent instinctivement dangereux, tout a été gommé sauf un plan où Emily se réfugie dans les bras de Chavez, alors que la gêne se lit sur le visage de celui-ci.
Tout cela donne un film curieux, de grande qualité, mais qu’on sent un peu censuré tout de même. Reste l’interprétation et sa qualité dominante, la finesse : celle d’Anthony Quinn, grand comédien dont on ne retient de nos jours que Zorba, Quasimodo (Notre Dame de Paris) et Zampano (La Strada), James Coburn, lui aussi ambigu dans sa fidélité pas toujours évidente, mais réelle pour Chavez et la très jeune (11 ans) Deborah Baxter qui réussit à faire passer autant de choses dans son regard que les meilleurs comédiens adultes. Dix ans plus tard, elle sera de nouveau enlevée par des pirates dans Le Lion et le Vent de John Milius.
Dans les seconds rôles, on retrouve d’excellents acteurs comme Ben Carruthers et Nigel Davenport (le père des enfants), ainsi que Lila Kedrova, déjà citée, Dennis Price (le procureur) et Gert Fröbe (le capitaine hollandais, l’année même où il jouera l’ignoble Goldfinger dans le film éponyme, 3ème opus et premier triomphe de la série des James Bond), tous trois dans des rôles très épisodiques. Petite remarque concernant l’interprétation : la très mauvaise prestation d’Isabelle Dean dans le rôle de madame Thornton, la mère des enfants.
Cyclone à la Jamaïque n’a certes ni le prestige, ni les qualités de Moonfleet, mais les deux films sont indéniablement proches : dans les deux cas, il s’agit d’amitié entre un enfant et un bandit même si Linda, contrairement au John de Moonfleet, est directement responsable de la mort de Chavez et n’en ignore rien. Et comme chez Lang, cette amitié est forte, mais un peu trop « hors norme » pour les canons et le puritanisme hollywoodiens.

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