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Au revoir là-haut (2017) d’Albert Dupontel
9 novembre 1918. Albert Maillard et Édouard Péricourt
sont avec toute leur compagnie dans leur tranchée. Tout le monde sait que la
guerre est pratiquement finie et personne, tant du côté français que du côté
allemand, n’a la moindre envie de bouger.
Mais
le lieutenant Pradelle, une ganache particulièrement vicieuse et belliqueuse,
décide de détruire la note qu’il vient de recevoir et qui lui ordonne de cesser
le combat.
Il
envoie deux soldats « en reconnaissance » et leur tire dessus, ce qui
relance la bataille.
Lorsque
Maillard, qui s’en est aperçu, est menacé par Pradelle, Édouard Péricourt le
sauve, mais il est lui-même victime d’un obus allemand.
Et
lorsqu’il se réveille, Édouard n’a plus de mâchoire inférieure.
Maillard et
Péricourt s’installent dans une soupente et, pendant que Maillard vit de
« petits boulots », Péricourt peint, dessine et se confectionne des
masques pour cacher sa gueule cassée.
28 novembre 2017
Pour
moi, c’est le choc de l’année, car je ne crois pas avoir l’occasion de voir
mieux que ça dans les vingt-sept jours qui restent !
Neuf mois ferme, le film précédent de Dupontel, m’avait déjà épaté et j’avais même dû
aller le revoir une semaine. En général, lorsque je retourne voir un film en
salle très peu de temps après l’avoir vu une première fois, c’est pour cause
d’endormissement lors de la première projection d’un film qui semblait, à
priori, me plaire. Le film de Dupontel, j’étais allé le revoir parce que
certains gags m’avaient échappé. Et puis pour le plaisir aussi…
Je ne suis pas sûr de retourner voir Au revoir là-haut, tout au moins en
salle, car je suis sûr en revanche qu’il fera l’objet d’une acquisition vidéo.
Le prix Goncourt 2013 était réputé
difficile à adapter, mais Dupontel doit avoir des yeux et un cerveau spéciaux.
De plus, Pierre Lemaître, auteur du roman, est co-scénariste du film : ça
aide !
La caméra de Dupontel est très
mobile : il aime les plans séquences élaborés et il use de sa caméra comme
un Paganini de son violon ou un Liszt de son piano.
On pourrait objecter que Claude Lelouch
fait la même chose, mais ce serait un peu comme comparer Franz Liszt et Richard
Clayderman.
Bien sûr, Dupontel a dû un peu loucher
du côté d’Hugo Cabret
de Scorsese. Mais où on n’avait que du clinquant creux et du roublard épais,
nous avons ici un lyrisme baroque et une émotion intelligente.
Rien n’est à jeter, rien ne
manque !
Et que dire du casting ! Comédien
lui-même (et interprète ici du rôle d’Albert Maillard, un des trois rôles
principaux), Albert Dupontel a ce don très particulier qu’on trouve chez les
réalisateurs-comédiens d’une direction inspirée. Il faut dire que son talent
explose dans le choix des comédiens : de l’excellent et très fidèle Philippe
Uchan qui est ici l’indécrottable imbécile Labourdin (comme il était déjà un indécrottable
imbécile dans Neuf mois ferme) au toujours superbe Niels Arestrup en passant par
André Marcon, le gendarme compatissant, Michel Vuillermoz, en fonctionnaire
intègre et psychorigide et Kyan Khojandi (le premier rôle de l’excellent Rosalie Blum), Dupré, second veule et dévoué de l’immonde Pradelle qui, pour tout
remerciement, en fera un cocu et, bien sûr, Émilie Dequenne et Mélanie Thierry,
dont le seul défaut ici est qu’on les voit trop peu.
En revanche, ceux qu’on voit le plus,
c’est le trio de tête : le héros débrouillard, Albert Maillard, narrateur
malgré lui (puisque c’est une confession), le méchant lieutenant Pradelle, le
salaud sadique, belliqueux et roublard qui réussira toujours à être « du
côté du manche » et, surtout, le grand héros tragique Édouard Péricourt,
gueule cassée et véritable artiste qui cache sa détresse et sa mâchoire disparue
sous des masques fabuleusement beaux.
Le premier, c’est Albert Dupontel
lui-même, drôle, impulsif, clownesque et tragique. Le deuxième, Pradelle, c’est
Laurent Laffitte, le fascinant « méchant qu’on aime haïr », salaud
jusqu’au bout des ongles et, hélas, le genre de personnage qu’on trouve
toujours de nos jours : le comédien y est superbe.
Mais le plus fabuleux, c’est Nahuel
Perez Biscayart, découvert dans 120 battements par minute : mise à part la toute première séquence, son visage
est caché et on ne voit que son regard, mais quel regard ! Cette
interprétation effrayante et magique m’a irrésistiblement fait penser à celle
de Sylvie dans le rôle de madame Raquin mère dans Thérèse Raquin de Marcel Carné :
cette vieille femme odieuse, cette mère possessive et hystérique qui se
retrouve paraplégique après une attaque consécutive à l’annonce de la mort de
son fils chéri. A partir de là, l’affrontement des deux femmes Thérèse et sa
belle-mère est impressionnant servies par deux comédiennes d’exception Simone
Signoret qui bouge et qui parle et Sylvie immobile et muette et qui ne peut se
défendre… qu’avec son regard.
Et ce regard c’est celui de ce déjà
très grand comédien Nahuel Perez Biscayart, un talent comparable à celui de la
grande Sylvie.
Qu’est-ce qu’on aime dans un film ? Qu’il vous
fasse décoller, oublier qui vous êtes et que vous êtes en train de regarder un
film dans une salle. Des films comme ça, on a de la chance quand on en voit un
dans une année. Quand on en voit deux, on a beaucoup de chance. Trois ou
quatre, c’est exceptionnel. Cette année, il n’y en aura qu’un !
1er avril 2020
Les
films qui nous ont éblouis (c’est le cas de celui-ci) sont souvent décevants
quand on les revoit. Pas celui-ci !
Bien que Pierre Lemaitre ait contribué
à l’adaptation de son propre roman, le film n’en a pas moins pris quelques
libertés avec le livre, mais les différences ne sont, finalement,
qu’anecdotiques. Car dans le fond, l’adaptation est très fidèle à l’esprit du
roman.
Tout d’abord, toute l’histoire est un
flash-back, contrairement au roman. Certaines séquences, comme celle du séjour
d’Édouard à l’hôtel Lutetia, sont sublimées par un étincelant baroque qui
éclate dans la scène de la fête au cours de laquelle les
« responsables » de la grande guerre (Foch, Joffre, Poincaré, etc…)
sont « exécutés » au bouchon de Champagne « pour avoir
provoqué la guerre, pour avoir aimé la faire… », etc… Même si elle est
totalement absente du livre, cette séquence est aussi fidèle au roman que si
elle y avait été écrite.
D’autres différences sont minimes,
comme l’arnaque aux monuments aux morts et la brouille qui s’en suit entre
Édouard et Albert arrivent plus tôt que dans le roman : le film dure 120
minutes et le roman fait plus de 600 pages, donc tout est plus
« ramassé » dans le film !
La différence la plus évidente, c’est
la très belle scène entre Péricourt et son fils qui n’existe pas dans le roman :
même si la mort d’Édouard est lié à son père, il n’y a aucune rencontre entre
les deux hommes dans le roman.
Autre différence notable, Pradelle,
« le méchant qu’on aime haïr » ne meurt que dans le film :
Dupontel le fait mourir enterré vivant, la mort que le vicieux capitaine
destinait à ses propres soldats au tout début du film. C’est cet immonde salaud
qui avait épousé Madeleine Péricourt, « laide de face, mais belle de
dot », même si Émilie Dequenne lui donne une beauté physique que le
personnage est très loin d’avoir.
Albert Dupontel a aussi la modestie des
grands. Et c’est en toute modestie qu’il rend hommage à Georges Méliès dans le
« masque de lune » d’Édouard et à Buster Keaton avec le « Pork
Pie Hat » que porte Albert (Maillard qui a le même prénom que son
interprète-réalisateur !) quand il se rend chez les Péricourt.
Enfin, on pense à un autre livre qui
fut aussi un film dont l’auteur, de l’un et de l’autre, est Dalton Trumbo, Johnny Got His Gun (Johnny
s’en va-t’en guerre).
Avis partagé....
RépondreSupprimerLa fielleuse n'aime pas Lelouch....