samedi 18 juillet 2020

120 battements par minute


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120 battements par minute (2017) de Robin Campillo
En 1989, deux ans après son modèle américain, naît Act-Up Paris. Moins de dix ans après l’apparition du « cancer des homos », la recherche scientifique a identifié et analysé cette maladie qui a fait l’objet de pas mal de bruits épars (et souvent faux !) du moment où elle est apparue et qu’on appelle le sida.
L’association se réunit toutes les semaines pour échanger des informations sur les progrès de la médecine, décider des actions à venir, débattre et évoquer la mémoire des dernières victimes de la maladie.
Nathan est tout nouveau à Act-Up. Il fait la connaissance de Sean, jeune militant séropositif et déjà malade qui est l’un des plus virulents activistes de l’association comme Sophie et Thibault, président d’Act-Up Paris dont Sean n’est pas un admirateur.
Dans ces années-là, les médias opposaient Aides et Act-Up. Certains militants des deux associations s’opposaient effectivement violemment les uns aux autres.
D’autres, en revanche, étaient militants des deux.
En fait, les deux associations étaient complémentaires. Aides venait en aide, précisément, aux malades et aux séropositifs qui, à l’époque, étaient quasiment mis au ban de la société. Act Up était une association activiste qui interpelait les pouvoirs publics et dénonçait, avec juste raison, l’inertie des politiques, trop frileux pour risquer de froisser leur électorat bien-pensant.
Et Act Up y allait fort : intervention dans les écoles au milieu des cours, sur les plateaux de télévision en direct, jets de faux sang au milieu des conseils d’administration des laboratoires pharmaceutiques, opérations villes mortes sur la voie publique…
Tout ça se décidait lors AH, assemblées hebdomadaires, où tous les militants se retrouvaient pour échanger des nouvelles sur l’évolution de la maladie et les progrès de la recherche, pour décider des opérations à mener et, surtout, pour débattre.
Et ce sont précisément ces assemblées qui sont les plus passionnantes dans le film. Filmées avec trois caméras, ces scènes au demeurant très écrites, ont vraiment l’air totalement improvisées.
Ce sont donc les plus réussies, mais ce ne sont pas les seules réussies. En fait, tout le film est une réussite.
Sans préjuger de ce qu’est la « vraie » palme d’or The Square de Ruben Östlund qui ne sortira que le 18 octobre 2017, on peut considérer qu’on tenait là une palme d’or[1] : on a coutume de penser que la Palme d’or va à un film grand public alors que le Grand Prix spécial du jury est décerné à une œuvre plus difficile.
Ici, on a tout. 120 battements par minute est un film superbe, grand public et à la réalisation très travaillée. On a le fond (Act Up, la maladie, la mort) et la forme (une mise en scène remarquable et un scénario au cordeau).
Ce film superbe nous hante et « post-projection », les quelques réticences qu’on pouvait avoir nous semblent incompréhensibles : comme tout ce qui suivait la mort de Sean que j’ai trouvé un peu long. Mais cette séquence pouvait-elle être raccourcie et comment ? Il fallait les amis qui arrivent un par un, le café qu’on est obligé de refaire, la discussion autour des cendres qui nous vaut une réplique humoristique, ce qu’il fallait oser, que Campillo ose et qui passe admirablement.
Et dans tout cela passe une émotion sans pathos, comme cette apparente froideur de la mère de Sean qui ne semble manifester aucune émotion, juste, très probablement, parce qu’elle est dépassée par la mort de son fils.
Le vrai grand art, c’est celui qu’on ne voit pas ! Ici, on ne voit pas les coutures : l’écriture très travaillée, la réalisation « aux petits points » et un casting d’autant plus idéal qu’il n’use d’aucun effet de manche. Comment en détacher un quand ils sont tous superbes ? On peut citer Manuel Perez Biscayat qui porte le rôle de Sean jusque dans les scènes très difficiles de la fin : comment jouer la mort de son personnage sans excès et sans pathos puisque, par définition, un vivant ne peut pas savoir « ce que ça fait » de mourir ?
Une scène mérite tout particulièrement d’être citée : c’est la dernière « scène d’amour » entre Sean et Nathan. Au milieu de la foultitude de scènes de cul que nous impose le cinéma, c’est l’une des rares scènes qui subliment à ce point la trivialité du propos.


[1] On peut aussi considérer que la palme d’or pour The Square, surtout face à 120 battements par minute, a été décernée avec un peu de… légèreté.

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