dimanche 12 juillet 2020

West Side Story (Wise)


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West Side Story (1961) de Robert Wise et Jerome Robbins
Dans le quartier de l’Upper West Side, les Jets sont les caïds du coin. Ils trainent dans la rue toute la journée, désœuvrés.
Mais depuis peu, une bande rivale tente de prendre ce « leadership » : les Sharks viennent de San Juan au Porto Rico.
Les accrochages sont fréquents dans la rue. Les deux flics du secteur, l’agent Krupke et le lieutenant Shrank, interviennent fréquemment pour empêcher LA bagarre entre les deux bandes.
Riff, le chef des Jets, va trouver son meilleur ami et ex-lieutenant Tony qui ne fait plus partie des Jets et travaille comme commis chez Doc. Riff demande à Tony d’assister au bal prévu le soir même.
Pendant ce temps, Bernardo, le chef des Sharks, va rendre visite à sa petite amie Anita et à sa sœur Maria qui travaillent ensemble dans une maison de couture. Les Sharks, comme les Jets, vont au fameux bal.
Le 4 mars 1962, un film américain attendu depuis un an, sortait dans une seule salle en France, le George V, avenue des Champs-Élysées.
Presque 60 ans plus tard, le George V, devenu entretemps l’U.G.C. George V, un complexe de 6 salles, vient de fermer définitivement.
La jeune directrice actuelle de l’UGC Normandie, voisin du George V, a décidé de projeter le 29 juin 2020, ce film qui passa en exclusivité absolue pendant 4 ans, 8 mois et 10 jours. J’ai pu ainsi, 55 ans plus tard, (presque) assister à une projection historique de West Side Story, une de ces projections (pourtant nombreuses !) auxquelles je n’avais pu assister dans mon jeune temps parce que, précisément, j’étais trop jeune, parce que je n’aimais pas les VO, parce qu’un « cinéma d’exclusivité » sur les Champs Élysées, ça m’intimidait et parce que « j’avais pas de sous » !
Bien sûr, après l’avoir vu au moins cinq fois en salle et une certain nombre de fois en VHS, puis en DVD, j’aurais pu être déçu ; ça arrive souvent quand on (re)voit un film mythique, un « film culte », car un « film culte » n’est presque jamais un chef d’œuvre.
Mais il faut bien reconnaître que West Side Story, malgré son statut de « film culte » est un chef d’œuvre inoxydable. C’est tout juste s’il a pris une patine légère qui lui va plutôt bien.
J’ai cependant été un peu déçu… par la restauration du film : le technicolor semble sursaturé et le grain est aussi épais que dans un film qui aurait été tourné en super 16, alors que celui-ci bénéficiait de la fabuleuse image de Daniel Fapp en 70 mm !
Lorsque l’œuvre fut créée sur scène mise en scène par Jerome Robbins, elle fit beaucoup d’effets. Les comédies musicales à l’époque, c’était surtout Richard Rodgers et Oscar Hammerstein II dont les succès étaient South Pacific, The King and I, Carousel, Oklahoma ou The Sound of Music qui feront toutes l’objet de d’adaptations cinématographiques, produites par la 20th Century Fox en format large (Todd AO et Cinémascope 55).
Ici, c’est la Mirish qui produit et la United Artists qui distribue. Loin des paillettes et des airs chatoyants de comédies musicales de « R&H », il fallait être inconscient pour en réaliser une qui raconterait Roméo et Juliette où les Capulet serait une bande de Portos-Ricains et les Montaigu une bande de « New Yorkais de souche », mais venus tout de même du Mitteleuropa.
Et ce fut un triomphe. Du coup, l’adaptation cinématographique fut montrée comme un film qui révolutionna Hollywood.
Même si le sujet était effectivement peu habituel, il n’était pas totalement inédit au cinéma (voir certains « musicals » Warner Bros des années). Certains détails techniques sont cependant très novateurs : l’absence total de générique du début du film remplacé par une ouverture sur un Manhattan stylisé, signé par l’immense Saul Bass et où n’apparait que le titre du film au terme de l’ouverture (comme dans un opéra) et d’un zoom arrière qui, personnellement, m’a toujours donné le frisson, ainsi que les « faux raccords » volontaires dans le ballet initial qui permet de parcourir tout le West Side en quelques plans, ce quartier complètement à l’abandon qui fut rasé tout de suite après le tournage à l’endroit précis où se trouve le Lincoln Center : en arrière-plan de ce ballet on voit que tous les commerces sont fermés à l’exception d’une épicerie placée là pour le tournage, puisque A-Rab, un des Jets pique une pomme à sa devanture.
Contrairement à ce qui fut dit souvent à l’époque, seule cette première séquence et certains plans de nuit vers la fin du film furent tournés en extérieur.
Et à l’époque où le film sortit en France, tout le monde s’émerveilla du grand talent de tous ces comédiens qui, contrairement à leurs collègues français, savaient jouer, chanter et danser. C’était oublier un peu vite que la chorégraphie de chaque personnage incarné par un comédien à priori non-danseur (Richard Beymer et Natalie Wood) était assez « succincte » et très suffisamment répété.

Quant au chant, des six rôles principaux, deux chantent réellement et intégralement : Bernardo/George Chakiris et Ice/Tucker Smith. Deux chantent « partiellement » leurs rôles : Anita/Rita Moreno chante America et Quintet et Russ Tamblyn chante Gee, Officer Krupke et Quintet. Et deux sont doublés : Maria/Natalie Wood par Marni Nixon et Tony/Richard Beymer[1] par Jimmy Bryant. Rita Moreno est doublée par Betty Wand pour A Boy Like That et c’est Tucker Smith, interprète du rôle d’Ice qui double Russ Tamblyn pour Jet Song. En résumé, aucune des chansons interprétées par un seul personnage (Jet song, Something's Coming, A Boy Like That), n’est réellement chantée par le comédien qui interprète le personnage à l’exception de Cool, réellement chanté par Tucker Smith. En ce qui concerne les chansons des deux principaux protagonistes, Maria et Tony, elles sont toutes doublées par Marni Nixon et Jimmy Bryant.

La chanson Cool était, dans la version scénique, chantée avant la bagarre par Riff interprété par… George Chakiris qui avait, comme doublure (remplaçant éventuel) … Tucker Smith. Ce doit être pour cela que le rôle d’Ice fut rajouté dans la version film pour Tucker Smith.
On reconnaît bien la patte de Robert Wise et si le film est cosigné par Jerome Robbins, tout le monde sait que le chorégraphe ne s’est, en fait, chargé que de… la chorégraphie. Ce poste de « coréalisateur » est peut-être un excès de langage.
Comme souvent lorsqu’il apporte son immense talent dans un film, Saul Bass y imprime sa marque indélébile. Depuis 1961, chaque reprise de West Side Story dans un théâtre est systématiquement illustrée par une affiche qui porte le fameux « logo » signé Saul Bass (un couple qui danse sur un escalier de secours). Seul Steven Spielberg semble y avoir renoncé pour son remake du film, mais il est aisé de comprendre pourquoi. En plus de cette géniale affiche, Saul Bass est l’auteur de l’ouverture du film (mentionné plus haut), de la séquence Quintet qui précède la bagarre et, bien sûr, du générique de fin sur des graffitis écrits sur un étrange assemblage de portes et de murs.
Certains détails sont assez intéressants : par exemple, aucun des jeunes, Jets ou Sharks, n’ont de nom de famille. Seuls les deux flics Krupke et Shrank « ont des noms ».
D’autre part, certains autres détails nous rappelle que le film a été tourné en 1961 : le personnage de la jeune Anybody est montré comme lesbienne (l’homosexualité est assez « répandue » chez les créateurs de West Side Story, ce qu’on ne savait pas nécessairement à l’époque) et la scène au cours de laquelle Anita est « malmenée » par les Jets chez Doc est, en fait – mais ce n’est pas dit –, un viol.
Ce qui est également intéressant en 2020, juste après la tragédie du meurtre de George Floyd et du mouvement « Black Lives Matter » qui l’a suivi, c’est le personnage profondément raciste du flic Shrank. Et la réplique de Maria « Vous l’avez tué avec de la haine ! » résonne beaucoup pour nous qui connaissons les États-Unis présidé par un détraqué, fasciste et raciste.


[1] Je n’ai, personnellement, jamais trop compris le choix de ce comédien médiocre qui ne savait ni chanter, ni danser dans le rôle masculin principal alors que le choix de Natalie Wood, lui, se justifie par le simple fait qu’elle est le seul nom cinématographiquement connu du casting.

1 commentaire:

  1. Le charme du film opère toujours, surtout sur grand écran. Des dizaines d’années après, les sujets traités restent malheureusement en pleine actualité...:

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