***
Bik Eneich (Un fils) de Mehdi M. Barsaoui (2019)
Sept mois après la chute de Ben Ali, Meriem et Fares forment un couple de tunisois heureux. Ils ont un fils de 10 ans, Aziz.
Fares doit se rendre à une réunion à
Tataouine et la famille en profite pour passer un week-end dans le sud.
Mais sur la route, leur voiture est
prise au milieu d’une fusillade entre la police et des terroristes et Aziz est
gravement blessé par balle.
Meriem et Fares transportent leur
fils à l’hôpital où on leur apprend que le pronostic vital d’Aziz est en jeu et
que sa survie dépend d’une greffe de foie.
Et selon la loi tunisienne, seul un parent peut servir
de donneur. Meriem n’est pas compatible et les analyses révèlent que Fares
n’est pas le père biologique d’Aziz.
Quand
la religion flirte avec le pouvoir, la corruption n’est jamais loin.
Et la religion profite de tous les
bouleversements que peut connaître un pays pour se rapprocher le plus possible
du pouvoir. Ça a réussi en Iran en 1979, mais ça a fini par rater en Égypte
pendant ce qu’on a appelé le « Printemps Arabe » malgré un vote
populaire qui avait amener les Frères Musulmans au pouvoir mais qui fut
« annulé » par l’armée, comme si on devait toujours choisir entre le
sabre et le goupillon.
La Révolution de Jasmin semble avoir
été une exception (en même temps que le pays initiateur) dans ce fameux
« Printemps Arabe ».
Pendant la première scène, nous voyons
des couples de « bobos tunisois » qui font un barbecue, hommes et
femmes mélangés, buvant tous de la bière et sans qu’aucune femme ne soit
voilée.
Mais les principes religieux sortent de
l’ombre sitôt que la situation vire au tragique à cause de terroristes dont on
ne dit jamais que ce sont des islamistes bien qu’on soit, précisément en droit
de le penser.
Et on s’aperçoit que
« l’adultère » est réprimé par la loi (plus durement pour la femme,
bien sûr !) et que seul un parent peut donner un organe à un enfant
mourant, faute de quoi, il sera mis sur une liste d’attente.
La tentative de faire appel à des
trafiquants qui se drapent dans le sentiment d’une fausse compassion et d’une
fausse compréhension (le trafiquant prétend même qu’il a vécu la même chose
sans qu’on puisse jamais savoir, bien sûr, si c’est vrai !) n’apparaît pas
comme une solution. Et le médecin qui va « s’occuper de ça » est une
femme très « propre sur elle », d’apparence bourgeoise, qui ne semble
pas plus traumatisée que ça par le fait de prélever le foie sain d’un enfant en
bonne santé, mais qui a juste le malheur d’être un orphelin de guerre lybien
(donc rien ![1]).
Avec les scènes des enfants lybiens, on
plonge dans l’horreur. Sept mois après la chute de Ben Ali et quelques semaines
avant celle de Khadafi, c’est le chaos en Lybie [2] et ce
chaos s’accompagne d’une résurgence de l’esclavage.
La réalisation de Mehdi Barsaoui est
remarquable : il n’y a pas un temps mort et, à travers la finesse de la
mise en scène, son regard est implacable, mais sans outrance, sans aucun
surlignage : le film aborde avec courage et avec une grande intelligence,
la société tunisienne post-Révolution de Jasmin, un peu l’islam et beaucoup la
condition de la femme et la paternité.
Nadja Ben Abdallak et Sami Bouajila
sont remarquables et le second a obtenu le prix de la meilleure interprétation
à la Mostra de Venise qui a, également, décerné au film le prix Interfilm (prix
pour la promotion du dialogue interreligieux).
[1] On pense au roman de Kazuo Ishiguro Never Let Me Go (Auprès de moi, toujours) adapté en 2010 par Mark Romanek dans lequel des enfants « issus de milieux défavorisés » servaient de « pièces de rechange » pour les bourgeois malades.
[2] Et neuf ans plus tard,
c’est pire !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire