vendredi 3 juillet 2020

Love


affiche belge du film de Ken Russell de 1969 "Love" avec Alan ...  ****
Women in Love (Love) de Ken Russell (1969)

Dans une petite ville minière du Northumberland, la famille Crich possède la mine, donc possède plus ou moins la ville. Le vieux Crich a cédé la direction de la mine à son fils Gerald.
Ursula et Gudrun Brangwen, les deux filles du professeur de travaux manuels de l’école de la ville, viennent assister au mariage de Laura Crich, la sœur de Gerald. Ursula y revoit Rupert Birkin qui était venu inspecter sa classe (elle est institutrice). Rupert est le meilleur ami de Gerald.
Les deux sœurs sont invitées par Hermione, la maîtresse de Rupert, à passer un week-end dans son manoir. Hermione est une femme compliquée, dominatrice, qui a tendance à se prendre pour une artiste. Et Rupert se lasse d’elle.
Rupert et Ursula se voient souvent et sont attirés l’un par l’autre, alors que Gudrun et Gerald commencent à se guetter. Les quatre personnages cherchent l’amour absolu, maladroitement.
La meilleure période de Ken Russell s’inaugurait avec cette somptueuse adaptation du roman de D.H. Lawrence, écrivain britannique à la réputation sulfureuse : son roman le plus connu, L’Amant de Lady Chatterley ne fut autorisé à la parution en Angleterre qu’en 1960.
Le ton général rappelle les meilleurs moments du Free Cinema dont Ken Russell s’était fait l’héritier à la BBC pour laquelle il produisit des biographies filmées (Rossetti, Elgar…) pas toujours abouties (Debussy), mais dont le ton très personnel assez choquant (Strauss) avait le mérite de réveiller une télévision anglaise un peu trop « comme il faut ».
Après une première œuvre très personnelle (French Dressing), Russell réalisa un film de commande, une aventure de « l’Anti-James Bond » Harry Palmer, produit par Harry Slatzmann (co-producteur de James Bond) et interprété par Michael Caine, Un cerveau d’un milliard de dollars dans lequel on décelait, ici et là, quelques citations célèbres, notamment une bataille finale sur la glace où un mégalomane anti-communiste voyait son armée de poids lourds engloutie dans un lac gelé, tels les chevaliers teutoniques d’Alexandre Nevski.
C’est deux ans plus tard qu’il s’attaque à l’adaptation du roman de Lawrence, Femmes amoureuses, rebaptisé très bêtement Love en français.
La liberté de ton du film étonne encore aujourd’hui. Bien sûr, il y a la scène dite « des gladiateurs » (c’est ainsi qu’elle est nommée dans le livre de Lawrence) au cours de laquelle Rupert et Gerald se combattent amicalement entièrement nus. L’homosexualité latente des deux personnages, bien qu’allusive, était suffisamment explicite pour choquer (et attirer) le public de l’époque. C’est d’ailleurs un thème qu’on retrouvera beaucoup chez le Russell de l’époque : Tchaikovsky (The Music Lovers), Louis XIII (!) (Les Diables), jusqu’à une scène de lesbianisme entre Georgina Hale et Antonia Hellis coupée dans le montage final de The Boy Friend, film dont le conformisme bon enfant était censé racheter les outrances des Diables.
Women in Love se termine d’ailleurs sur l’interrogation d’Ursula à propos de l’attachement trouble que Rupert porte encore à Gerald qui vient de mourir.
Plus encore que le roman de Lawrence, Women in Love traite plus des hommes amoureux que des femmes amoureuses, encore que Russell ait fait de celles-ci des personnages hors de tout stéréotype. Si Jennie Linden et Eleonor Bron ne gagnèrent pas la gloire avec ce film, Glenda Jackson y gagna, quant à elle, ses galons de star et elle resta quelques années une actrice très prisée.
La distribution est intégralement remarquable : les talents conjugués d’Alan Bates, Oliver Reed, Eleonor Bron, Jennie Linden et Glenda Jackson se coulent admirablement dans la direction d’acteurs de Russell.
On regrette d’autant plus qu’il se soit fourvoyé, après The Savage Messiah, son autre chef d’œuvre, dans des produits où le délire lui tiendra lieu de talent et où le baroque échevelé qui était sa marque de fabrique tournera à la manie et le mènera progressivement (Mahler, Tommy, Lisztomania, Valentino, Au-delà du réel, Les Jours et les nuits de China Blue, Gothic), jusqu’à la nullité complète.

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