****
Women in Love (Love) de Ken Russell
(1969)
Dans une petite ville
minière du Northumberland, la famille Crich possède la mine, donc possède plus
ou moins la ville. Le vieux Crich a cédé la direction de la mine à son fils
Gerald.
Ursula et
Gudrun Brangwen, les deux filles du professeur de travaux manuels de l’école de
la ville, viennent assister au mariage de Laura Crich, la sœur de Gerald.
Ursula y revoit Rupert Birkin qui était venu inspecter sa classe (elle est
institutrice). Rupert est le meilleur ami de Gerald.
Les deux
sœurs sont invitées par Hermione, la maîtresse de Rupert, à passer un week-end
dans son manoir. Hermione est une femme compliquée, dominatrice, qui a tendance
à se prendre pour une artiste. Et Rupert se lasse d’elle.
Rupert et Ursula se voient
souvent et sont attirés l’un par l’autre, alors que Gudrun et Gerald commencent
à se guetter. Les quatre personnages cherchent l’amour absolu, maladroitement.
La meilleure période de Ken Russell s’inaugurait avec
cette somptueuse adaptation du roman de D.H. Lawrence, écrivain britannique à
la réputation sulfureuse : son roman le plus connu, L’Amant de Lady Chatterley ne fut autorisé à la parution en
Angleterre qu’en 1960.
Le ton général rappelle les meilleurs moments du Free Cinema dont Ken
Russell s’était fait l’héritier à la
BBC pour laquelle il produisit des biographies filmées
(Rossetti, Elgar…) pas toujours abouties (Debussy), mais dont le ton très
personnel assez choquant (Strauss) avait le mérite de réveiller une télévision
anglaise un peu trop « comme il faut ».
Après une première œuvre très personnelle (French Dressing),
Russell réalisa un film de commande, une aventure de « l’Anti-James
Bond » Harry Palmer, produit par Harry Slatzmann (co-producteur de James
Bond) et interprété par Michael Caine, Un cerveau d’un milliard de dollars
dans lequel on décelait, ici et là, quelques citations célèbres, notamment une
bataille finale sur la glace où un mégalomane anti-communiste voyait son armée
de poids lourds engloutie dans un lac gelé, tels les chevaliers teutoniques d’Alexandre
Nevski.
C’est
deux ans plus tard qu’il s’attaque à l’adaptation du roman de Lawrence, Femmes amoureuses, rebaptisé très
bêtement Love en français.
La liberté de ton du film étonne encore aujourd’hui.
Bien sûr, il y a la scène dite « des gladiateurs » (c’est ainsi
qu’elle est nommée dans le livre de Lawrence) au cours de laquelle Rupert et
Gerald se combattent amicalement entièrement nus. L’homosexualité latente des
deux personnages, bien qu’allusive, était suffisamment explicite pour choquer
(et attirer) le public de l’époque. C’est d’ailleurs un thème qu’on retrouvera
beaucoup chez le Russell de l’époque : Tchaikovsky (The Music Lovers),
Louis XIII (!) (Les Diables), jusqu’à une scène de lesbianisme entre
Georgina Hale et Antonia Hellis coupée dans le montage final de The Boy
Friend, film dont le conformisme bon enfant était censé racheter les
outrances des Diables.
Women in Love se termine d’ailleurs sur l’interrogation
d’Ursula à propos de l’attachement trouble que Rupert porte encore à Gerald qui
vient de mourir.
Plus encore que le roman de Lawrence, Women in Love traite plus
des hommes amoureux que des femmes amoureuses, encore que Russell ait fait de
celles-ci des personnages hors de tout stéréotype. Si Jennie Linden et Eleonor
Bron ne gagnèrent pas la gloire avec ce film, Glenda Jackson y gagna, quant à
elle, ses galons de star et elle resta quelques années une actrice très prisée.
La distribution est intégralement remarquable : les talents
conjugués d’Alan Bates, Oliver Reed, Eleonor Bron, Jennie Linden et Glenda
Jackson se coulent admirablement dans la direction d’acteurs de Russell.
On regrette d’autant plus qu’il se soit fourvoyé, après The Savage
Messiah, son autre chef d’œuvre, dans des produits où le délire lui tiendra
lieu de talent et où le baroque échevelé qui était sa marque de fabrique
tournera à la manie et le mènera progressivement (Mahler, Tommy, Lisztomania,
Valentino, Au-delà du réel, Les Jours et les nuits de China
Blue, Gothic), jusqu’à la nullité complète.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire