jeudi 17 février 2022

Je danserai si je veux

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Bar Bahar (Je danserai si je veux) de Maysaloun Hamoud (2016)

Leïla et Selma sont Arabes-Israéliennes. Elles partagent un appartement à Tel-Aviv.

Leïla est avocate : elle défend surtout les femmes. Elle fait la fête, elle boit et elle fume beaucoup.

Selma est serveuse dans un restaurant, mais elle en est renvoyée parce qu’elle refuse de parler hébreu. Ses parents veulent la marier, mais elle ne peut pas leur avouer qu’elle est lesbienne.

Le duo devient trio quand les deux filles accueillent une troisième co-loc, Nour, étudiante en informatique, voilée, pieuse et dotée d’un fiancé intégriste.

Mais le trio s’entend bien et Nour éprouve une réelle amitié pour ses deux compagnes « émancipées ».

Elles sont musulmanes et de nationalité israélienne.

Sur le territoire d’Israël, il y a trois grandes catégories de population : les Israéliens juifs, les Israéliens non-juifs et les Palestiniens qui travaillent en Israël mais vivent sur deux territoires distinctes, la Cisjordanie que la droite israélienne au pouvoir envahit de plus en plus en y installant les tristement célèbres colonies (peuplées de Juifs intégristes de type « loubavitchs ») et la bande de Gaza au sud-ouest du pays (gouvernée par le Hamas, organisation palestinienne considéré comme terroriste et proche des milieux islamistes).

Il n’est pas question ici de Palestiniens, mais d’Arabes-Israéliens considérés par les Juifs comme des sous-citoyens (comme tous les citoyens non-juifs parmi lesquels il y a pas mal de Chrétiens).

Et, « pour ne rien arranger », nos sous-citoyens sont des « sous-citoyennes ». En fait, le film n’aborde pas (trop) la question des rapports avec les Juifs, si ce n’est le renvoi de Salma par son patron juif parce qu’elle refuse de parler hébreu.

Car pour libérées que soient Salma et Leïla, elles n’en sont pas moins menacées de discrimination, de violence… et de viol. Mais c’est Nour qui sera violée et par le taré qui prétend protéger sa vertu, un intégriste à la petite semaine (ils le sont tous) qui, comme tous les aspirants djihadistes, pense avec sa bite.

Salma, quant à elle, cumule : elle est arabe, femme et homosexuelle, ce qui la place au ban même des sous-citoyen(ne)s, toujours prompt(e)s à se défouler sur encore plus « intouchables » (tel qu’on l’entend en Inde, pays champion de l’inégalité) qu’eux.

Sans ostentation, mais avec une grande force, le film de Maysaloun Hamoud nous assène toute cette effrayante réalité, ce qui lui vaut d’être l’objet d’une fatwa et que le film soit interdit dans quelques pays du Moyen-Orient.

Mouna Hawa (Leïla), Sana Jammelieh (Salma) et Shaden Kanboura (Nour) sont les porte-drapeaux de ce film puissant qui nous rappelle à nous, les « nantis », qu’une libération « sociétale » n’est jamais définitivement acquise.

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