mardi 15 février 2022

Pourquoi viens-tu si tard ?

 

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Pourquoi viens-tu si tard ? (1958) d'Henri Decoin


Catherine Ferran est une brillante avocate qui mène une croisade contre l'alcoolisme, à travers des trafiquants de vins frelatés qu'elle a décidé de poursuivre en justice.

Pour ce faire, elle s'adjoint les services de Walter, un reporter photographe, avec qui elle constitue un dossier pour le compte de Dargillière, un célèbre chroniqueur de télévision, ami et ex-amant de Catherine, qui doit dénoncer les trafiquants au public.

Dargillière aime toujours Catherine qui, de son côté, cède au charme de Walter. Et Dargillière est le seul à savoir que si Catherine met un tel acharnement à traquer les trafiquants d'alcool, c'est qu'elle-même fut alcoolique. Il décide de se servir de ce secret pour se venger.

On peut ne pas avoir été un inconditionnel de la nouvelle vague et donner quelquefois raison à ses émules. Rejeter en bloc Duvivier, Carné, Clouzot, et Decoin (entre autres !) était aussi stupide qu'encenser systématiquement Grémillon et Renoir et se pâmer, par exemple, devant une Elena et les hommes de triste mémoire.

Decoin fut un immense metteur en scène, mais même les plus grands ont leurs faiblesses : Pourquoi viens-tu si tard ? est, sans doute, une des pires des faiblesses du réalisateur de L'Affaire des poisons ou de Les Inconnus dans la maison.

Certes, cette histoire de croisade contre des trafiquants d'alcool menée par une avocate qui fut alcoolique a le mérite de nous rappeler que l'alcool, il y a peu, a été classée dans les « drogues dures », mais les outrances et une interprétation à la limite de la caricature plombe ce mélo... « imbuvable » (vous me pardonnerez l'expression).

Dans le rôle du méchant, « l'ignoble » Dargillière, il y a Claude Dauphin, bien loin, à la fois des jeunes premiers qui avait fait son succès, comme dans Battement de cœur du même Decoin et d'un autre ignoble, l'inoubliable Lecat de Casque d'or. Ici, le traître est affublé de tous les accessoires du rôle qui sont autant de poncifs : cigarette "nonchalante", sourire "mauvais" et méchanceté "feutrée". Son numéro devient vite insupportable.

A l'opposé, l'héroïne « marquée par le destin », c'est Michèle Morgan qui, par moments, réussit à être convaincante et à se hisser à la hauteur d'une réputation très surfaite dans une carrière inégale. Il faut reconnaître que pour tirer quelque chose du personnage sans sombrer dans le ridicule, il fallait un certain don pour la haute voltige et que Michèle Morgan s'en tire avec une certaine élégance. Sa plaidoirie finale est un de ces bons moments, même s'il est noyé dans la scène du procès au cours de laquelle, mise à part la plaidoirie en question, l'actrice est globalement mauvaise.

Entre l'ignoble traître et la douce héroïne, nous avons le preux chevalier, le redresseur de torts, bref, le beau reporter photographe. Alors là, rien ne va plus ! Henri Vidal était, avant tout « un physique avantageux », auréolé par sa grande histoire d'amour avec Michèle Morgan et sacralisé par une mort précoce. On oublie un peu vite, du coup, que c'était un acteur de peu de talent qui devenait mauvais dés qu'il avait deux lignes de dialogue. Tout juste passable dans la comédie, il devenait grotesque dans le drame.

Mené par ce trio inégal, le reste de la distribution fait ce qu'il peut, mais…

Reste une vison du Paris de l'époque dont l'aspect documentaire rehausse le film par moments : le bal « Chez Temporel » ou la tournée du couple dans les poubelles d'un certain Paris « alcoolique ».

Mais les scènes de bistrot dans lesquels on voit des danseurs et surtout des « danseuses » qui chantent en mauvais play back en se donnant des airs de Juliette Gréco nous replongent dans les pires conventions de la « qualité française ». Les dialogues d'Audiard, essayant de transformer Vidal en sous-Gabin, ne sont pas ce qu'il a fait de mieux.

La mise en scène reste du Decoin, mais on est tout de même très loin de Bébé Donge !

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