mercredi 16 décembre 2020

Prometheus

 

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Prometheus (2012) de Ridley Scott

 Elizabeth Shaw a découvert plusieurs indices sur l’origine de l’humanité sur terre. Et ses découvertes l’entraîne à affréter pour le compte de la société Weyland un voyage intergalactique vers une planète d’où des êtres supérieurs auraient décidé de la création de la terre et de ce qui la peuple.

La mode étant au prequel, Ridley Scott, le créateur du grandiose Alien de 1979, décide de doter le film fondateur qui donnera trois suites – une excellente (Alien 3 de David Fincher), une médiocre (Aliens de James Cameron) et une à fuir (Alien Resurrection de Jean-Pierre Jeunet) – d’un prologue qui se situe un ou deux siècles avant l’arrivée de l’équipe du Nostromo sur la planète LV-426, très exactement en 2096.

Et c’est là que tout se déglingue ! Je ne parle pas ici de mésaventures des personnages du film, mais je parle de la production elle-même.

Car Ridley Scott, dont on disait qu’il envisageait un cinquième et DERNIER Alien pour boucler la boucle se retrouve coincé entre plusieurs contraintes : d’abord tout doit être conforme au film original, puis il doit répondre à des questions qu’on se posait… il y a trente trois ans. Enfin, les goûts ayant, paraît-il, évolué, tout cela doit faire sens et avoir une portée universelle.

Mais il y a plus ! Pour les producteurs, il faut ménager une suite possible (une sequel de prequel), ce qui explique sans doute qu’on ait choisi Guy Pearce (45 ans au compteur) pour jouer le vieux Weyland censé frôlé le siècle d’existence.

Or, la conformité « physique » (la planète, ces vaisseaux en forme d’anneaux brisés, les aliens, les cages thoraciques explosées, etc…), il faut revoir le film original pour l’avoir en mémoire. Pour ce qui est de la conformité « scénaristique », il faut expliquer toutes ces choses bizarres qu’on voyait. Et la force d’Alien venait précisément du fait qu’on pouvait supputer ce qu’on voulait sans avoir à chercher des explications sur les choses étranges qu’on voyait comme ce gigantesque vaisseau-cathédrale ressemblant à l’intérieur d’une cage thoracique géante (et nous savons quelle importance peut avoir la cage thoracique dans la série !), ce pilote géant à l’abdomen explosé, le nid des aliens etc…

Et c’est là que le bât blesse. On quitte le domaine de l’intelligence pour entrer dans celui, complexe, de la flagornerie à un public cuistre et stupide. Alien était (et se voulait) un film d’angoisse pure montrant une créature qui n’était qu’agressivité et dotée de pouvoirs extraordinaires pour détruire, éradiquant tout un équipage dont seuls une femme et un chat pouvaient échapper.

Ici, on se croit obligé de convoquer une intelligence supérieure qui nous aurait créé, ce qui nous ramène aux relents américano-nauséabonds du « concept » de dessein intelligent autrement appelé « créationnisme » que des débiles profonds, inspirés par l’intelligence lumineuse de feu le président Ronald Reagan, ce grand intellectuel, ont mis en place pour supplanter le darwinisme théorie progressiste et scientifique qui a fait ses preuves. Ces… pauvres cons (il n’existe pas d’autres qualificatifs !) refusent de descendre du singe et c’est vrai qu’on peut avoir des doutes : les singes sont, eux, intelligents.

C’est, en poussant un peu j’en conviens, un pan idéologique de cette prétentieuse production qui n’est pas à négliger. Car tout cela est prétentieux. Alien était un film-catastrophe et avait l’intelligence de se présenter comme tel.

Ridley Scott, en vieillissant, a voulu jouer les apprentis-sorciers avec son propre chef d’œuvre et changer l’angoisse pure en interrogation métaphysique tendance bar du Commerce après ingestion de cinq Picon-bière et trois cafés-calva. Fatalement, la réflexion en prend un coup !

Côté interprétation, on est aussi dans la prétention : le personnage et l’interprétation de Noomi Rapace sont parfaits, mais ça se gâte avec les autres. Tous surjouent des personnages imbéciles en tête desquels Michael Fassbaender qui accompagne son personnage de droïd froid et manipulateur de phrases réflexives, définitives et définitivement grotesques et Charlize Theron qui se spécialise dans les rôles de pétasses méchantes. Heureusement, elle est plus mesurée ici qu’en marâtre de Blanche-Neige !

Donc, Ridley Scott fait du sous-Ridley Scott et, à l’instar de son collègue Burton, on peut s’inquiéter pour la santé « créatrice » d’un réalisateur qui s’auto-parodie en moins bien.

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