mercredi 9 décembre 2020

Et pour quelques dollars de plus

 

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E per qualche dollaro in più (Et pour quelques dollars de plus) de Sergio Leone (1965)

Le colonel Mortimer et Manco sont deux chasseurs de prime.

El Indio, gangster sadique, drogué et détraqué, est en prison. Sa bande parvient à le libérer et, du coup, sa tête est mise à prix pour 10 000 dollars.

Les deux chasseurs de prime, d’abord en compétition, décident de s’associer pour avoir, non seulement, la prime de El Indio, mais aussi les primes de tous les membres de sa bande.

Cette fois-ci, Sergio Leone n’apparaît pas sous le nom de Bob Robertson et Gian-Maria Volonté sous le nom de Johnny Wels.

Déjà à l’époque, il y avait distinction entre les « westerns spaghetti » et les « films de Sergio Leone » pour les cinéphiles.

Mais pour les uns comme pour les autres, les critiques hexagonaux de l'époque avaient toujours ce ton méprisant et compassé qu'ils ont pour toute catégorie de films qu'il est de bon ton de mépriser. De plus, en ce qui concerne les westerns, le début des années 60 en France, c'était la guerre Cahiers du cinéma/Positif, soit John Ford/William Wyler.

Comme toutes les querelles de clocher, celle-ci, près de 60 ans plus tard, nous semble à la fois bien stupide et bien dérisoire. Car les mêmes, aujourd’hui, ou leurs héritiers sont unanimes pour dire que Leone a ressuscité en le renouvelant le genre western, même s'il se trouve accolé au qualificatif très dépréciatif de “ spaghetti ”. En fait, tout le monde s’accorde pour dire que Leone a réinventé le western.

Plus que dans Pour une poignée de dollars, mais moins que dans Le Bon, la brute et le truand nous sommes ici dans “ l'esthétique leonienne ” : alternance de gros plan, quelquefois très gros plan, plans généraux et surtout la “ marque de fabrique ” de Sergio Leone, le plan semi-général avec gros plan hors-bord cadre d'un protagoniste et paysage au fond, ce qui implique courte focale et courte ouverture. De plus, tous les films de Leone, mis à part le dernier Il était une fois en Amérique sont en scope. Et même dans ce dernier film, on trouve quelques-uns de ces plans “ leoniens ”.

Quant au scénario, il culmine toujours dans le duel final, tout-au-moins dans ce qu'on appelle La Trilogie du dollar ainsi que dans Il était une fois dans l'ouest. Et cette scène de duel, soignée, dramatique est rendue encore plus entêtante par le thème musical d’Ennio Morricone qui s'y rattache. Ici, le morceau de Morricone se nomme La Resa dei Conti (Le Règlement de comptes) : il prend pour base le petit carillon d'une montre à gousset qu’utilise « El Indio » chaque fois qu'il va tuer. Et le colonel Mortimer a la même montre d'où la dénomination de « règlement de compte » et le duel a lieu entre Mortimer et « El Indio », Manco, lui, faisant de la figuration : après tout il n'est là que pour les sous !

Gian-Maria Volonté surjoue un peu son personnage de méchant sociopathe et drogué : son assistant lui roule ses chichons, mais comme le souligne le producteur Carlo Grimaldi, Leone et ses collaborateurs n'avaient probablement jamais fumer de joint et ils surmultiplient les effets psychédéliques qui évoquent plus l'héroïne que la marijuana.

Sergio Leone n’aimait pas la “ théâtralité ” de Volonté qui, peu amateur de westerns, surjouait, probablement par manque d'inspiration.

Pour ce qui est de Mortimer, à l'origine, le réalisateur voulait opposer Clint Eastwood à Henry Fonda car il trouvait que les deux acteurs se ressemblaient légèrement (Clint Eastwood dixit). Mais Fonda refusa et Leone chercha un acteur “ de westerns ”. Lee Van Cleef avait joué les méchants dans Le Train sifflera 3 fois de Fred Zinnemann en 1952, L’Homme qui n'a pas d'étoile de King Vidor en 1955 et Règlement de compte à OK Corral de John Sturges en 1956 pour ne citer que les plus célèbres.

Clint Eastwood qui n'avait pas de nom dans Pour une poignée de dollars est ici nommé Manco tout au moins dans les copies européennes, car il semble qu'il reste “ l'homme sans nom ” dans les copies américaines. Dans le film suivant, Le Bon, la brute et le truand, il se nommera Blondin (Blondie dans la version américaine).

Pour une poignée de dollars, peu apprécié à sa sortie, faisait figure d’Objet Cinématographique Non Identifié. Ici, le style Leone s’affirme et s'installe.

Leone est maintenant considéré comme un très grand réalisateur et c'est peut-être ce film-ci qui fit figure d'intronisation avant le triomphe (Ô combien mérité !) du film suivant.

 

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