Il Buono, il brutto, il cattivo (Le Bon, la brute et le truand) de Sergio Leone (1966)
Nous sommes à la fin de la guerre de Sécession.
Tuco est un tueur, un escroc et un voleur dont la tête est mise à prix.
Blondin est chasseur de prime. Il capture Tuco et le livre contre la récompense. Il le sauve de la pendaison et c’est ainsi que naît leur association : Blondin livre Tuco, il touche la prime et s’enfuit avec Tuco pour recommencer dans la ville voisine.
Mais lorsque Blondin abandonne Tuco dans le désert, celui-ci jure de se venger.
Angel Eyes, lui, a été mis sur la piste d’un soldat qui se fait appeler Bill Carson et qui sait où se trouve le trésor des confédérés, caché dans une tombe, dans un cimetière.
Tuco retrouve Blondin et se venge en l’obligeant à traverser le désert à pied et sans eau.
Mais lorsque les deux hommes croisent une voiture pleine de cadavres de sudistes, Tuco repère un des hommes qui n’est pas encore mort. C’est Bill Carson et il révèle à Tuco le nom du cimetière. Mais c’est à Blondin qu’il donne le nom gravé sur la tombe. Et des tombes, dans le cimetière en question, il y en a plus de 5000 !
D’abord, il y a le titre ou plutôt trois versions du titre : la version originale qui est la version italienne (le film est une production germano-hispano-italienne), la version anglaise et la version française.
Lorsque je parle de version ici, je parle uniquement du titre, car pour ce qui est du film, la seule version qui existe du film restauré, c’est la version américaine, comme sont américains les trois acteurs principaux. Pour des raisons de traduction approximative et de distribution hasardeuse, les titres sont complètement chamboulés.
Ces trois titres sont donc : Il Buono, il brutto, il cattivo (sans la conjonction de coordination ET, « le bon, le moche, le méchant »), The Good, The Bad AND The Ugly (« le bon, le méchant ET le moche »), Le Bon, la brute ET le truand.
Le bon est toujours le premier, le moche est deuxième en italien devient brute (mauvaise traduction) en français et troisième en anglais et le méchant, troisième en italien et en français où il devient truand (ce qui est assez incompréhensible), est deuxième en anglais.
Ce qui reste établi dans les 3 versions c'est que le bon, c'est Blondin (Blondie dans la version américaine, Clint Eastwood). Mais pour ce qui est du moche et du méchant, ils peuvent être indifféremment Sentenza (Angel Eyes dans la version américaine, Lee Van Cleef) ou Tuco (Eli Wallach).
D’ailleurs, ce qui fait la force de ce film et de ces trois personnages, c'est que les qualificatifs qui les déterminent (mal comme on vient de le voir) dès le titre sont parfaitement interchangeables : Blondin n'est pas moins méchant ou laid que bon, Sentenza n’est pas moins laid ou bon que méchant (bien que les traces de bonté chez ce bonhomme soient difficiles à trouver) et Tuco n'est ni plus moche, ni plus mauvais que ses deux camarades.
Ce qui les caractériserait le plus, ce serait pour les mêmes personnages et dans le même ordre « le futé, le méchant et l’imbécile ». Leone reprend à son compte la doxa américaine du western selon laquelle les Mexicains sont toujours des demeurés (qualifiés de violeurs par l'actuel président des États-Unis, demeuré et détraqué lui-même).
Par rapport aux deux films qui l'ont précédé, celui-ci est bel et bien une grosse production. Il faut dire que la reconstitution de certaines batailles de la guerre de sécession a dû déjà compter pour beaucoup dans le budget bien que la nombreuse figuration ait été presque gracieusement fourni par l'armée du « Caudillo »[1], l'Espagne cherchant dans les années 60 à adoucir ses fins de mois dans un pays que 26 ans de franquisme avait ruiné.
Tout ça permet à Sergio Leone de « s'éclater » dans une luxueuse production qui lui donne enfin les moyens de déployer son (immense) talent dans une mise en scène soignée. Ce sera encore plus évident avec Il était une fois dans l'ouest.
En fait, ce qu'on appelle la trilogie du dollar était pour Leone la trilogie de l'homme sans nom bien qu'ici, il ait un nom, Blondin. Et ce film-ci serait le « prequel », comme on dit en bon français des deux autres. D'ailleurs, c'est à la fin de Le Bon la brute et le truand qu’il troque son cache-poussière contre le poncho qui le caractérise dans les deux autres films. Quant à ce nom de Blondin, c’est Tuco qui le lui donne et il est le seul, car il reste bien « l'homme sans nom ».
Toujours taciturne, toujours flegmatique, le personnage ne livre pas grand-chose de lui-même si ce n'est à travers une réplique, devenue célèbre depuis, qu'il lâche pendant la bataille du pont : « Je n'avais encore jamais vu crever autant de monde ».
Comme le faisait remarquer Eastwood lui-même, dans Pour une poignée de dollars il était seul. Dans Et pour quelques dollars de plus, ils étaient deux. Ici, ils sont trois.
Sergio Leone admire particulièrement David Lean ce qui peut surprendre : David Lean, tout au moins à partir du Pont de la Rivière Kwaï reste, tout au moins pour moi, le réalisateur de grosses productions que la largeur du 70 millimètres rendait encore plus indigestes. Leone lui rend hommage en faisant siffler par les troupes yankees juste avant une bataille la fameuse Marche du colonel Bogey.
La seule chose que Leone a gardé de Lean, c'est la durée des films : celui-ci dure près de 3h et la durée moyenne des 7 films de Leone est de 156 minutes (un seul de ces films dure moins de 1h 40). Ça aussi, c’est la grande nouveauté de l’œuvre “ leonienne ” : faire trois heures de films dans un genre que ses inventeurs (américains) ont souvent confiné à la série B, donc à des films dont la durée n’excédait pas 75 minutes.
Mais, à la différence de Lawrence d'Arabie ou de Docteur Jivago, il est très difficile, voire impossible, de réduire un film de Leone au montage, car tout est soigneusement verrouillé par lui.
Comme toujours, on retrouve le style Leone : alternance de gros plan et de plans généraux, mélangés à des plans semi généraux, ces fameux plan généraux « envahi » bord cadre, par un gros plan de profil. Comme le dit le biographe de Leone, Richard Schickel, le style unique de Léone, ce montage alterné de plans de valeurs disparates confère à son œuvre un certain lyrisme.
[1] Qualificatif attribué à Franco, petit gros dictateur qui se prenait pour une réincarnation du « Cid Campeador » avec son physique de vieux clerc de notaire.
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