Duck, You Sucker ! (Il était une fois la révolution) (1971) de Sergio Leone
Au début du 20ème siècle, alors que le Mexique est déchiré entre révolution et contre-révolution, Juan Miranda vit avec ses sept fils et son père de petites rapines.
Sa dernière « acquisition » est une luxueuse voiture à chevaux volée à des grands bourgeois américains. Grisé par cette réussite, Juan s’en prend à un motocycliste qui passe.
Mais ce motocycliste est John Mallory, activiste républicain irlandais et spécialiste des explosifs.
Contraints de s’épauler John et Juan font route ensemble.
Juan est obsédé par la banque de Mesa Verde, alors que John semble avoir des objectifs très obscurs, probablement lié à la révolution mexicaine.
Sergio Leone, c’est une filmographie de sept longs métrages.
Le premier, c’est Le Colosse de Rhodes, un film de commande qui fait partie de sa première « carrière », celle de l’assistanat et de la réalisation de seconde équipe.
Ça commence dans l’assistanat de Carmine Gallone dans les « films d’opéra » (que Leone déteste) jusqu’à la coréalisation de Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich, un an après Le Colosse de Rhodes, en passant par l’assistanat de Vittorio de Sica dans Le Voleur de bicyclette dans lequel il interprète une silhouette (un séminariste !) et Ben-Hur de William Wyler dans lequel il fut coréalisateur (avec Mario Soldati et non crédité) de seconde équipe pour la fameuse course de chars.
Sa « vraie carrière », donc, ce sont les six films suivants.
Bien sûr, il n’avait pas prévu qu’il mourrait après la réalisation du sixième, Il était une fois en Amérique, son chef d’œuvre, à l’âge de soixante ans. Mais ces six films se divisent, de fait, en deux trilogies : la trilogie du dollar (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la brute et le truand) et la trilogie Il était une fois… (…dans l’ouest, … la Révolution, … en Amérique)
Toutefois, la deuxième trilogie peut être contesté. Tout d’abord, Sergio Leone a souvent dit qu’Il était une fois en Amérique était le début d’une série de films qui, « Enfin… », ne seraient plus des westerns.
De plus, Il était une fois la Révolution n’est pas le titre original du film même si C’era una volta la Rivoluzione était le titre voulu par Leone, mais refusé par la production « par peur d’une confusion » avec Prima della Rivoluzione réalisé sept ans auparavant par Bernardo Bertolucci.
D’ailleurs, le titre de ce film connut pas mal d’aléas : ayant dû abandonner le titre qu’il voulait, Leone se rabattit sur Giù la testa, coglione ! (« Baisse-toi, couillon ! ») réplique récurrente de John à Juan chaque fois qu’il jette un bâton de dynamite à proximité. Le terme « coglione » est supprimé, mais il est tout de même repris (plus ou moins) dans le titre américain Duck, you sucker ! (« Baisse-toi, connard !»). Plus tard, le politiquement correct américain, gêné par le terme argotique « sucker », reprendra le titre sous lequel le film sortit au Royaume-Uni A Fistful of Dynamite (« Une poignée de dynamite ») qui renvoie le film à la « trilogie du dollar », ce qui est passablement… « sucker » ! Mais il faut bien dire que le politiquement correct fait, globalement et de plus en plus, dire et/ou faire des choses connes ! Et c’est sans doute pour les mêmes raisons que le sous-titre français pour la réplique « Duck, you sucker ! » est « Attention, mèche courte ! », ce qui est également…très con !
« La Révolution n’est ni un dîner de gala, ni un évènement littéraire, un dessin ou une broderie, elle ne peut pas se faire avec élégance et courtoisie. La Révolution est un acte de violence ». C’est par cette citation de Mao Tsé-Toung que s’ouvre le film.
Le ton est donné et Leone annonce « sa » couleur.
La mère de Sergio Leone était actrice de cinéma, connue sous le nom de Bice Waleran et son père réalisateur sous le nom de Roberto Roberti, d’où le pseudo américain de Bob Robertson (fils de Robert) que prendra Leone pour ses premiers films. En fait, Roberto Roberti était surtout chômeur du fait de son opposition au fascisme.
On comprend donc que la sympathie du réalisateur ne va pas aux chemises noires, mais c’est plutôt aux alliés des fascistes, les nazis, qu’il s’attaque. Et les allusions, très appuyées, sont nombreuses.
Tout d’abord, à travers le personnage de cet officier de l’armée de Victoriano Huerta : interprété par un Français blond, Antoine de Saint-John, ce soldat visiblement sadique a un physique qui fait immédiatement penser à un SS et, du reste, il se nomme Gunther Ruiz. C’est lui qui massacre la famille de Juan dans leur repère, massacre qui fait penser aux fosses ardéatines romaines où les nazis assassinèrent 335 personnes le 24 mars 1944.
De plus, la scène de meurtres de masse d’une foule entière dans quatre fosses fait penser aux images prises par les nazis eux-mêmes des massacres de Juifs lors de ce qu’on a appelé la « Shoah par balles ».
Mais l’Allemagne nazie n’est pas la seule cible de Leone : dans la scène d’ouverture, Juan est « pris en stop » par une luxueuse diligence (style Camping-car de luxe du Far-West) où des bourgeois « gringos » de la pire espèce, humilie ce pauvre « peone » en le traitant comme un animal « qui ne sait probablement même pas qui est son père ! ». Dans cette séquence un peu lourde, Leone nous montre les mâchoires dégueulasses de ces porcs en train de manger de façon très... bestiale.
Si on considère que les États-Unis, à l’époque où sortit le film, n’était pas très friand de films d’une durée supérieure à deux heures, cumulé avec des séquences comme celle-ci et racontant une « Révolution », un mot qui sent le soufre pour tout Américain normalement constitué, on comprend qu’il soit sorti aux États-Unis amputé de plus de trente minutes !
Le Mexique n’a pas mieux traité le film en l’accusant d’offense envers le peuple mexicain et la Révolution ; le film est invisible dans le pays depuis 1979.
Il faut bien dire, malgré la grande admiration qu’on peut éprouver pour Leone, que celui-ci est sans doute ce qu’il a fait de moins bien : un scénario quelquefois approximatif (la « Résistance » est déjà placé à l’endroit où a lieu la collision des trains à la fin du film), un pathos insupportable, toujours dans la séquence finale, et un foisonnement peut-être un peu trop… foisonnant (« Qui trop embrasse, mal étreint » dit la sagesse des nations !)
Pourtant, la rencontre (« explosive ») entre un peone bas de plafond et un intellectuel nihiliste irlandais qui lit Bakounine aurait dû être plus travaillé et, peut-être, moins long.
On aurait aussi aimé en savoir plus sur John, qui se présente d’abord sous le prénom de Sean. Sean est l’équivalent celtique de John (ou Jean, ou Giovanni ou Hans ou… Juan). Sean est aussi le prénom de l’ami (ou plus ?) de John/Sean avec qui il partage (?), sa maîtresse (ou sa femme ?) et qui le trahira dans des flashes-back qui interrogent beaucoup les exégètes du film comme Sir Christopher Freyling, spécialiste de l’œuvre de Leone et… qui appelle John, Sean !
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