mercredi 17 novembre 2021

Avant l’aube

 

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Avant l’aube (2010) de Raphaël Jacoulot

 Jacques Coureur est propriétaire d’un hôtel restaurant isolé dans les Hautes Pyrénées. Il y vit avec sa femme Michèle. Son fils Arnaud vient leur rendre visite et Jacques lui demande de descendre lui acheter du vin en ville.

Mais il ne revient pas tout de suite et, visiblement victime d’un accident, il téléphone à son père pour qu’il vienne le chercher. Ils remontent tous les deux à l’hôtel dans les deux voitures : celle qu’avait prise Arnaud a été un peu abîmée.

Frédéric Boissier, un jeune stagiaire « en réinsertion » est le seul à les voir revenir et Jacques s’en est aperçu. Il discute avec le jeune homme, sans faire la moindre allusion à l’accident, et l’engage comme coursier.

Un polar « taiseux » au rythme assez lent, ça ne peut pas plaire à tout le monde.

Mais la critique a été globalement élogieuse. Elle a placé le film sous le double (et prestigieux) parrainage de Claude Chabrol et Georges Simenon. Là, je ne suis qu’à moitié d’accord : ces longs silences, ces personnages qui agissent contre leur gré tout en assumant leurs actes, on pense effectivement à Simenon, mais Chabrol dans sa description de la bourgeoisie eut été beaucoup plus féroce en la montrant, comme il se plaisait toujours à la faire, veule et lâche. Ici, le sale rôle revient à Arnaud, le fils raté, mal aimé, antipathique et assassin, même si c’est accidentel.

Et on peut dire que chaque personnage est assez fouillé dans le scénario, alors qu’assez peu de choses sont révélées par les dialogues. En fait, les portraits sont dessinés par la mise en scène et le jeu des acteurs et c’est remarquable.

India Hair est Maud, une petite gourde plus amoureuse de son Frédéric qu’il n’y paraît : l’actrice exprime tout ça en retenue, en maladresse. Céline Salette est Julie, la compagne volontaire et volontiers brutale d’Arnaud. Xavier Robic est Arnaud, jeune homme apparemment bien sous tous rapports et plein de morgue et de mépris pour ce père qui ne l’aime pas, mais qui, par devoir, va cependant sauver la mise au lamentable lâche qu’il est réellement.

François Perrot fait un « caméo » remarqué dans le rôle de Paul, père de Jacques et grand-père d’Arnaud.

Ludmila Mikaël est Michèle, déchirée entre son mari et son fils, essayant sans arrêt de coller les morceaux et très soupçonneuse vis-à-vis de l’intrus, Frédéric.

Et puis, il y a les deux personnages centraux : Jean-Pierre Bacri et Vincent Rottiers sont remarquables dans leurs façons de créer des rapports aussi bien entre eux qu’avec les autres personnages, ce qui nous donne tout le long du film la sensation d’un malaise indistinct.

Enfin, il y a, bien sûr, le personnage extérieur au drame : c’est Sylvie, inspectrice au S.R.P.J. (Service Régional de Police Judiciaire) de Toulouse. Avec son chien (encombrant) et son stylo (qui n’écrit plus), sa maladresse et ses accoutrements flashies improbables, elle est un curieux mélange de Maigret et Lavardin. C’est sans doute pour elle qu’on a pensé au double parrainage de Simenon et Chabrol. Sylvie Testud lui donne un côté lunaire qui nous la rend immédiatement sympathique, même si on sent que sous airs de chien mouillé et d’éléphant dans un magasin de porcelaines, elle ne laissera pas filer le morceau, un peu dans le style de Colombo (encore un hommage !).

Il y a enfin un autre et dernier héritage auquel on pense de façon d’autant plus forte qu’il ouvre et ferme le film : c’est le plan séquence d’ouverture (avec générique) qu’on retrouve en fermeture (également avec générique)  et qui est très exactement le générique de Shining de Stanley Kubrick.

Mais tout ceci, ce sont des hommages et non des plagiats serviles. Raphaël Jacoulot est visiblement en mesure de tracer son propre sillon et il a réalisé là un film fort, même si tout ça patine un petit peu dans la partie centrale.

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