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Dorogie tovarishchi (Дорогие товарищи) (Chers camarades)
d’Andrei Kontchalovski (2020)
Lioudmila Siomina que tout le monde appelle « Liouda » est une parfaite apparatchik, stalinienne, réactionnaire et en faveur d’une répression sévère de la grève qui vient d’éclater en ce mois de juin 1962 dans l’usine locale de locomotives électriques, à Novotcherkassk.
Liouda s’oppose à la fois à son père, nostalgique du tsarisme et sa fille Svetka qui soutient les grévistes.
Lors d’une manifestation, le général, commandant local de l’armée, refuse de tirer sur les grévistes. C’est le K.G.B. qui va s’en charger.
Et il y aura 26 tués et 87 blessés.
En 1975, lors d’une semaine du cinéma soviétique qui avait lieu, pour partie, à l’endroit où je travaillais à l’époque, Andrei Mikhalkov-Kontchalovski (c’était son nom à l’époque) avait ouvertement méprisé le cinéma « que [nous] faisions en Europe occidentale » en l’estimant « effroyablement mauvais » en prenant pour exemple The Music Lovers (?) de Ken Russell, qui était une sorte de biopic de Piotr Illytch Tchaikovski et se situait donc en Russie, ce qui explique, sans doute, ce choix pour le moins… étrange (une Russie mythique, vue par des occidentaux « dépravés »)..
Puis en 1980, Andrei Mikhalkov-Kontchalovski quitte la grande U.R.S.S. pour rejoindre la « capitale du mauvais cinéma », Hollywood. Au début des années 80, c’est son cadet de huit ans qui se fait connaître au sein du cinéma soviétique sous le nom (qui est son vrai nom) de Nikita Mikhalkov.
Du coup, Andrei laisse tomber le nom de leur père, Mikhalkov, pour ne garder que le Kontchalovski maternel.
Tous deux sont les fils de Serguei Vladimirovitch Mikhalkov, poète et écrivain dont l’œuvre la plus connue sont les paroles de l’hymne soviétique qu’il écrivit en 1944 sur ordre de Staline (dont il était un admirateur), qu’il réécrivit en 1977 sur ordre de Brejnev (pour éradiquer le nom de son « ex-idole »), puis qu’il réécrivit en 2000 sur ordre de Poutine (dont toute la famille est proche). Même après le décès du papa, les deux frères sont restés très…liés au « Grand Tzar Vladimir ».
Tout ça pour dire que quoiqu’il arrive, si la famille Mikhalkov avait une devise, ce serait : « Toujours du côté du manche » !
C’est peut-être idéologiquement douteux, mais on est bien obligé de reconnaître que malgré un certain côté… courtisan, les deux frères sont « quand même » de bons cinéastes.
Et pour ce qui est de leur « allégeance » à Poutine, je ne suis pas absolument persuadé qu’il ait beaucoup apprécié ces Chers camarades qui revient sur le massacre de Novotcherkassk en juin 1962 qui fera 26 morts et 87 blessés et qui sera « mis sous le tapis » pendant trente ans par le pouvoir soviétique et révélé après la chute dudit pouvoir.
A l’image du réalisateur, l’héroïne deviendra « résistante » après avoir été « apparatchik ». Si la prise de conscience de Liouda nous semble sincère, ne peut-on pas se poser des questions sur celle du réalisateur qui pourrait bien être plus…diplomatique ?
Kontchalovski a l’intelligence de donner à la forme de son film un style proche de celui du cinéma soviétique de l’époque en filmant en plans fixes (et longs), en 1.33 et en noir et blanc pour nous replonger dans cette période qui était à la fois celle de la déstalinisation et d’un réchauffement de façade avec l’ouest.
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