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L’Aveu (1969) de Costa-Gavras
Au début des années 50, Gérard est vice-ministre dans un pays socialiste. Il a fait partie des brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Depuis quelques temps, il est suivi par des agents des services de sécurité. Et son collègue, responsable desdits services, un ancien de la guerre d’Espagne lui aussi, n’est même pas au courant.
En fait, ce sont tous les anciens des brigades internationales qui sentent la machine policière se refermer sur eux depuis qu’un des leurs, en Hongrie, a avoué être un traître.
Le lendemain matin, il est arrêté alors qu’il se rendait à son ministère. Il est jeté en prison sans que la moindre explication lui soit donnée. Puis on l’interroge sur ses « crimes » après l’avoir affamé et empêché de dormir.
Pendant ce temps, Lise, sa femme, cherche à savoir ce qu’il est devenu, alors qu’elle-même est surveillée et qu’on lui supprime, un à un, les petits avantages inhérents à la charge de son mari.
Au début, sûr de son bon droit, Gérard tente de se battre au sein du parti. Mais affamé et épuisé, il ne sait plus où il en est.
Peu à peu, la machine policière va le broyer.
Z s’attaquait au putsch des colonels en Grèce. Sa dénonciation sans ambiguïté du fascisme lui valut, pour sa sincérité et son savoir faire, un énorme succès qui reste une référence dans le cinéma français.
Même s’il n’est pas permis de douter de la sincérité de Costa-Gavras et de Semprun (réalisateur et scénariste dans les deux cas), on s’est gaussé, à l’époque, de ce « coup de patte à gauche » que représente L’Aveu après l’attaque à droite de Z.
Adapté du récit autobiographique d’Arthur London, L’Aveu dénonce non une idéologie, mais une dérive. Le communisme n’est pas attaqué directement, mais on dénonce le stalinisme qui a fait glisser une idéologie de gauche vers le fascisme le plus réactionnaire. Bien entendu, rétrospectivement, L’Aveu semble un film d’un autre âge après l’effondrement du mur de Berlin (vingt ans après sa réalisation) et l’opposition gauche-droite aujourd’hui s’est complètement déplacée vers une double opposition démocratie-dictature et partage-libéralisme. Mais on ne peut reprocher à un film de n’avoir pas été visionnaire.
On peut, en revanche, lui reprocher sa réalisation et son scénario. Certes Z, comme plus tard État de siège, est construit comme un polar au rythme vif. L’histoire d’un homme qu’on torture en prison ne pouvait être traité de la même façon, mais c’est là que le bât blesse. L’acharnement de Gérard et de Lise à réaffirmer leur attachement au parti tient à la fois de la naïveté et d’une certaine mauvaise foi.
Même si Gérard est victime d’une erreur, le traitement qu’il subit n’est justifié par rien (ce que London expliquait très bien). C’est un traitement inhumain, une torture de tous les instants. Priver un homme de boisson, de sommeil et de nourriture, c’est le plus sûr moyen de le tuer, mais avant, le plus sûr moyen de lui faire avouer n’importe quoi.
Or, le héros (du film) ne semble se poser la question du bien-fondé d’une idéologie qui peut engendrer une telle dictature et de telles méthodes qu’une fois qu’il se retrouve libre en France.
Bien sûr, ce fut le drame de beaucoup de militants communistes de l’époque qui lâchèrent le parti après les évènements de Hongrie en 1956, militants dont Montand et Signoret faisaient partie.
Mais cela, le film ne le montre pas ou le montre mal, tant il est vrai qu’il n’est pas facile de dénoncer les erreurs, même monstrueuses, d’une idéologie qu’on a fait sienne et pour laquelle on a lutté, comme c’est le cas de Costa-Gavras et de Semprun.
Il en résulte un film qui s’empêtre dans un mélange de discours libertaires et de considérations imprégnées de dialectique marxiste : pas question de donner « du grain à moudre » à « ceux d’en face ».
Du coup, pour faire efficace, on fait dans l’excès. Laszlo Szabo, Michel Vitold et Gérard Darrieu surjouent dans le hurlement et l’éructation. Dés que Gérard commence à parler, Vitold jaillit on ne sait d’où, hurle et frappe.
Au bout du compte, ce que le réalisateur et le scénariste voulaient éviter est là, bien en évidence : on sait que tout cela est vrai, mais on a tout de même bien l’impression d’assister à la projection d’un film de propagande, la propagande de « ceux d’en face ». L’ambiguïté de l’entreprise finit par gêner et le discours de London devient un bouillon anticommuniste parfaitement immangeable.
Le drame du film, c’est son souci d’efficacité, l’obsession de répéter le succès de Z, d’aller vite, de faire du polar. Alors, on tranche à coups de serpe, on répète tout une dizaine de fois (la vie en prison d’un « criminel politique » est monotone et répétitive). On fait alterner les gardiens brutaux (Darrieu, Szabo et surtout Vitold, insupportables) et les gardiens matois, beaucoup plus dangereux (Ferzetti, Lescot, Marthouret).
Ç’aurait pu fonctionner sans ces dialogues poussifs, cette image laide, ces mouvements de caméra vomitifs avec panoramiques rapides et zooms en surnombre qui rappellent ce qu’il y a de pire dans le cinéma français, Lelouch.
Pourtant, deux séquences relèvent un peu le niveau pour une réelle réflexion sur la torture : le délire de Gérard finissant par confondre bourreaux et victimes (décrit très souvent par ceux qui ont connu la torture) et la « préparation » de Gérard au procès, alors qu’on essaie de le « retaper » pour qu’il soit présentable et qu’on lui fait répéter son texte pendant des séances d’U.V.
Mais tout cela est trop bref et on retombe vite dans le pathos. Encore une fois, il est difficile de faire œuvre de visionnaire en réalisant un film que des évènements qu’on ignore feront ou non passer à la postérité. Mais, selon la dialectique marxiste comme il est rappelé dans le film, « les évènements passés doivent être analysés à la lumière du présent ».
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