mercredi 8 décembre 2021

Copacabana

 

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Copacabana (2010) d’Eric Fitoussi

 Babou est une cinquantenaire qu’on peut cataloguer dans la catégorie des baba-cool. Elle vit de petits boulots, elle a beaucoup voyagé et elle ignore les contraintes.

Tout cela fait d’elle une « femme-enfant » au désespoir de sa fille Esmeralda avec qui elle vit à Tourcoing et qui, évidemment, est « l’adulte ».

Esmeralda et son petit ami, Justin, ont décidé de convoler en justes noces. Esmeralda prévient sa mère qu’elle ne sera pas invitée au mariage.

Piquée au vif, Babou accepte un travail de « rabatteuse » pour vendre des appartements en multipropriété à des Anglais, à Ostende.

C’est la bonne surprise de l’année 2010 (il en faut !). Après Depardieu-Mammuth, voici Huppert-Babou. On faisait remarquer récemment à la comédienne qu’on reproche souvent à quelques acteurs d’être omniprésents sur les écrans et jamais à elle qu’on voit cependant beaucoup. Ce doit être parce que le talent permet de se renouveler ce que les autres ne peuvent (ou ne veulent) pas faire.

Ici, Isabelle Huppert est magique. Elle est présente dans la quasi-totalité des plans dans un rôle qui pourrait lasser et elle ne lasse jamais. Elle est l’un des atouts de la réussite du film, mais elle n’est pas le seul.

Tout d’abord, s’il y a indéniablement un charisme Huppert, il y a aussi un charisme Babou. Le personnage est remarquablement écrit, finement ciselé, comme, du reste, tous les autres personnages et l’histoire elle-même.

Le scénario est remarquable. Il ne va jamais où on l’attend, il surprend sans arrêt et mène le spectateur là où il veut avec une sorte de « précision nonchalante » totalement maîtrisée. La seule péripétie que, personnellement, j’avais vu venir, c’était la deuxième nuit qu’elle offre à ses copains SDF dans l’immeuble et dont on sait que ça ne va pas lui porter chance, mais le coup ne vient pas comme on l’attend.

Dans le rôle d’Esmeralda, la propre fille d’Isabelle Huppert, Lolita Chammah est tout à fait digne de sa mère : à la fois butée, intransigeante, injuste et tout de même attachante. Luis Rego est Patrice, l’amoureux transi de Babou, et il excelle dans ce rôle (hélas) assez bref.

Aure Attica est Lydie, la femme-cadre, dévorée d’ambition dont on devine qu’elle sacrifiera son amitié naissante pour Babou (en même temps que Babou elle-même) pour ne pas entraver ses ambitions. Mais on peut subodorer que Lydie ne se remettra jamais de cette trahison qu’elle a commise et qu’elle n’a même pas le courage d’assumer : elle, qu’on voit prendre toutes les décisions et qui ne craint pas d’engueuler tout le monde, chargera son collègue de congédier Babou.

La morale de l’histoire, c’est dans cet épisode qu’on la trouve : Babou « la baba », la « looseuse » (un mot aussi moche à dire qu’à penser) est en fait une gagnante parce qu’elle est libre et qu’elle mène bien sa vie sous ses airs évaporés.

Lydie, la femme-cadre qui veut tout maîtriser ne maîtrise, en fait, pas grand-chose et, de toute façon, ne maîtrise surtout pas sa vie puisqu’elle peut même avoir honte de s’être lâchée un soir avec quelqu’un qui a eu le malheur de lui montrer que la vie, c’est précisément faire autant que possible, ce dont on a envie, y compris « prêter » à un jeune couple de SDF un appartement témoin qui ne vous appartient pas.

Copacabana est un film joyeux et un superbe numéro de comédienne, mais c’est aussi un beau portrait de femme et, d’une certaine manière, une réflexion sur la société.

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