mercredi 1 décembre 2021

Une journée particulière

 

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Una giornata particolare (Une journée particulière) d’Ettore Scola (1977)


Le 6 mai 1938, le peuple romain fait un triomphe au Führer du IIIème Reich, allié de l’Italie fasciste. La quasi-totalité de la population romaine se rend « spontanément » sur le parcours du Duce et de son hôte.

 

Dans un grand immeuble des faubourgs de Rome, seules trois personnes sont demeurées chez elle : la concierge de l’immeuble qui va écouter toute la journée à la radio la retransmission de l’événement, Antonieta, mère de six enfants et épouse d’un milicien fasciste, et Gabriele, ex-speaker de la radio limogé pour défaitisme et mœurs dépravées parce qu’il est homosexuel. L’envol accidentel de Rosamunda, le mainate d’Antonieta sur la fenêtre de Gabriele qui fait face à l’appartement de la mère de famille, va provoquer la rencontre.

Après cinq ou dix visionnages, le charme reste intact. Sans doute parce que Scola a eu le génie de donner à ses deux anti-héros attachants le visage des deux plus grandes stars (et des plus glamours) du cinéma italien.

Rien n’est plus simple que de prendre une des plus belles actrices du monde pour en faire une femme laide ou supposée telle. Un autre Italien, Comencini, reprendra la formule quelques années plus tard avec Claudia Cardinale dans La Storia.

Mais ce qui n’aurait pu être qu’un gadget ou un « coup » (Sophia Loren en femme du peuple « sotte et ignorante » avec ses six enfants, son mari milicien et ses bas qui plissent, face à Marcello Mastroianni, pauvre laissé pour compte, la honte du mâle fasciste « qui se doit d’être soldat, père et mari », « il frogio », le pédé), s’avère être la démarche artistique la plus valable, car pour incarner Antonieta et Gabriele, il ne fallait pas seulement à la fois deux stars doublées de deux sex-symbols utilisés à contre-emploi, mais aussi deux talents exceptionnels, comme sont exceptionnelles les qualités de ce chef d’œuvre inclassable où tout est parfait : non seulement les interprètes, mais également la mise en scène brillante dans sa simplicité, le scénario d’une perfection trop rare et cette image unique aux couleurs étranges, sorte de sépia coloré, sans oublier le décor, cet immeuble typique des années fascistes, enfer et prison des deux personnages « gardés » par cette concierge-cerbère à moustaches, gardienne de la prison, du temple et des bonnes mœurs, représentante d’une opinion publique à la fois bêlante et haineuse, indic d’un régime qui avait pour les informateurs autant de mépris que d’intérêt.

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