mercredi 13 juillet 2022

Tous au Larzac

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Tous au Larzac (2011) de Christian Rouaud

 En octobre 1971, Michel Debré, ministre de la Défense, annonce sur les antennes de l’O.R.T.F. qu’il a été décidé par le gouvernement l’extension du camp militaire qui va provoquer l’expropriation de 107 familles de paysans dont certains sont originaires du Larzac depuis des générations.

 

Pendant dix ans, Léon Maillé, Pierre et Christiane Burquière, Guy et Marizette Tarlier, Christian Roquerol, José Bové et beaucoup d’autres vont lutter pacifiquement, mais bruyamment contre « la grande muette » pour faire entendre leurs voix et reconnaître leurs droits.

Pour tous les gens de ma génération, le Larzac, c’était l’histoire d’un camp militaire que le ministre de la Défense voulait étendre au prix de l’expropriation de quels bobos (Babas cool, à l’époque) ex-soixante-huitards en poncho de laine écrue, vivant de la vente du fromage du lait de leurs chèvres.

Quarante ans après les faits, ce documentaire remet les choses en place : les « quelques bobos » s’avèrent avoir été 107 fermiers (puis 103, après les « négociations ») et de vrais fermiers majoritairement originaires du Larzac, paysans « catholiques pratiquants de droite » et non-violents en face de qui Michel Debré et ses successeurs giscardiens ont déployé une véritable machine de guerre, sans oublier le sous-préfet portant un jugement définitif (et définitivement crétin) sur « les mœurs définitivement moyenâgeuses de ces gens-là ».

En toute simplicité, le plus honnêtement possible, sans effet de manche et sans roublardise, ce beau film de facture très classique (interviews illustrées par des documents d’époque) nous amuse, nous fait réfléchir et nous émeut.

Le seul montage de documents bruts a été de placer interviews et documents par ordre chronologique et c’est la personnalité des témoins, leur pertinence et leurs émotions qui font le reste.

On rit à l’évocation du « débarquement » de dizaines de brebis sur le Champ de Mars, pauvres bêtes sautant par-dessus les flics censés les empêcher de passer (images à l’appui !).

On réfléchit sur la manifestation des 17 et 18 août 1974 qui vit « caillasser » François Mitterrand par des « Maoïstes » au milieu desquels s’étaient glissés quelques flics du non regretté Poniatowski.

Mais on est ému par les vocations de la « marche silencieuse » dans Paris, scandée par le seul bruit des bâtons sur le bitume. L’émotion des témoins qui le raconte nous prend aux tripes.

Le 21 novembre 1978, Giscard balaie d’un revers de main, les revendications d’un millier de citoyens, paysans du Larzac, et sympathisants, en déclarant avec sa morgue habituelle : « En France, ce n’est pas la rue qui fait la loi, ce sont les institutions ».

Deux ans et demi plus tard, ce grotesque godelureau, sera le premier Président de la cinquième République à se faire jeter dehors par les Français. Il est le seul à ce jour à avoir « bénéficié » de ce traitement.

Puisse-t-il ne pas être le dernier !!![1]



[1] Et effectivement, onze ans après la rédaction de cette note, ils sont aujourd’hui trois, y compris Giscard, à avoir connu cet affront.

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