Les Misérables (2019) de Ladj Ly
Pour des raisons personnelles (et familiales), Stéphane, un jeune flic de Cherbourg, s’est fait muter en Région Parisienne.
Il se retrouve au sein de la B.A.C. (Brigade Anti-Criminalité), coéquipier des deux « Bacqueux » locaux, Chris et Gwada, à Montfermeil (la ville où vécut Victor Hugo et où il situa l’auberge des Thénardier dans Les Misérables, un des « quartiers », sous-entendus « chauds », du département de Seine Saint-Denis).
Dès son arrivée, il se retrouve avec ses collègues au milieu de ce qui pourrait bien dégénérer en guerre : les Gitans d’un cirque voisin débarquent violemment et s’en prennent au « maire », comme on a surnommé un médiateur de la mairie, en réalité chef de gang. Les Gitans accuse un « petit nègre » d’avoir volé Johnny, un des lionceaux de leur cirque.
Les trois flics s’interposent avant que les choses ne dégénèrent.
Enfin, un film qui n’a pas volé son prix du jury à Cannes.
En fait, ce qu’il faut regretter, c’est qu’il n’ait eu QUE le prix du jury, alors qu’un sinistre petit nanar pseudo-branchouille a eu la « Palme bis », le Grand Prix, Atlantique, dont la réalisatrice prétentieuse et « dolanienne » (excusez le pléonasme ) nous a gratifié d’un interminable discours aussi creux que long.
Ici, tout est intelligent à commencer par le titre. Les Misérables de Victor Hugo étaient des pauvres gens que la misère poussait au vol, à la prostitution et à l’exploitation d’autres « misérables ».
Au départ, on s’inquiète de ce qu’on va voir. Il y a 24 ans, la boboïtude s’était pâmée devant un petit navet tourné à Chanteloup-les-Vignes[1]. Le public emperlousé cannois fit une ovation à La Haine, nanar tourné à l’épate par une bande de petits bourgeois qui ont ainsi eu le plaisir douteux de se donner l’impression de faire une plongée chez les prolos.
Rien de tout cela ici !
Ladj Ly est né à Montfermeil, il y a vécu, il y vit encore ! Être un prolo n’est pas forcément un gage de réussite absolu quand on veut faire un film sur « les quartiers », mais quand on a du talent (et Ladj Ly en a beaucoup), ça aide !
En fait, il y a plusieurs « bandes » dans le film : il y a les flics, le « maire » et sa bande, les intégristes, les Tsiganes d’à côté, les trafiquants et les jeunes.
Lorsque les Tsiganes débarquent prêt à tout casser « parce qu’un nègre » a volé un lionceau de leur cirque, le « maire » est prêt à se battre, mais les flics débarquent et parviennent à transiger. Mais ils ont tous mis le doigt (et même le bras !) dans un engrenage qui mènera d’abord à la bavure, puis à l’insurrection.
Sans les cabotinages d’un petit bourgeois qui joue les loubards se prenant pour De Niro dans Taxi Driver, les comédiens du film (amateurs si on exclut les interprètes des flics) jouent simplement juste et, sans maxillaires coincées (ce que les cabots stupides « pensent » être leur atout), font passer toutes les nuances d’un scénario dont l’idée centrale est, tout simplement qu’il n’y a ni bons, ni méchants : tout le monde a ses raisons et elles sont toutes bonnes, même celles des « cow-boys » de la B.A.C.. Et c’est ce que nous rappelle la citation hugolienne finale : « Mes amis retenez ceci : il n’y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes, il n’y a que de mauvais cultivateurs. »
On ne peut pas citer les meilleurs éléments du casting, ils sont tous bons. Toutefois, je citerai tout de même Alexis Manenti qui interprète de rôle de Chris, le « sale flic » qu’on soupçonne un peu d’être pourri et qui est également le co-scénariste du film.
Quant au final qui consiste en deux plans au terme d’une séquence particulièrement violente, il est renversant et il est l’apothéose d’un chef d’œuvre.
[1] Chanteloup-les-Vignes s’était embrasé en 1990. 29 ans plus tard, lors d’une nuit d’émeute, une trentaine de jeunes incendiaient le chapiteau de l’Arche, centre culturel dédié au cirque.
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