jeudi 11 juin 2020

A Thousand Girls Like Me


A THOUSAND GIRLS LIKE ME Jeudi 7 mars à 20h30 Cinéma « Les ... ***

A Thousand Girls Like Me (2018) de Sahra Mani
À Kaboul, Khatera, une jeune femme de 23 ans, est enceinte pour la deuxième fois, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Mais c’est la deuxième fois qu’elle est enceinte à la suite d’un viol et le violeur est le même dans les deux cas, c’est le père de Khatera.
Bravant les interdits, le qu’en dira-t-on et le regard des autres, Khatera dénonce son père à la télévision. Et le séisme politique provoqué par cet aveu public ne vaut pas à Khatera que des soutiens, bien au contraire.
Mais Khatera ne cède pas : elle fait valoir ses droits et, dans un premier temps, réussit à obtenir l’incarcération du violeur.
Ce courage, Khatera et sa mère (qui la soutient) vont le payer socialement très cher : les frères de Khatera ont beaucoup de mal à trouver du travail lorsqu’on apprend qui ils sont et la famille est mise à la porte de tous les appartements dans lesquels elle vient juste d’emménager.
« Un millier de filles comme moi », c’est le titre du film et c’est Khatera qui le dit elle-même : ce qu’elle a subi « un millier de filles comme elle » le subissent, sans « préjudice » comme on dit de celles qui l’ont subi et celles qui le subiront dans le futur.
Voici une héroïne hors du commun. Pas d’éclat de voix, pas de pathos, pas de larme, aucune trace d’hystérie. Juste une jeune femme placide, calme, souriante, au regard bienveillant qui raconte son calvaire.
Et dans un pays où la femme est un citoyen de seconde zone, elle ose parler, elle ose se montrer à la télévision, ce qui lui attire la foudre de malveillants arriérés qui parlent d’honneur bafoué.
Khatera est une héroïne, une vraie, qui ne demande qu’une chose, qu’on reconnaisse ses droits et à travers elle, les droits des « milliers de filles comme elle ».
Même les frères de Khatera la détestent pour ce qu’elle a fait, estimant qu’elle a jeté sa famille dans le déshonneur, comme si le père-violeur incestueux était un homme honorable.
Bien sûr, c’est lui qui va être pendu pour ce qu’il a fait, mais celle par qui le scandale est arrivé (malheur à elle, est-il écrit dans les évangiles) ne mérite que le mépris et le rejet.
Sa famille ne peut trouver d’appartement et on les voit déménager trois fois pendant ce film relativement court.
Nul besoin d’effets de manches cinématographiques, les faits parlent d’eux-mêmes et ce documentaire remarquable est sobre et « fluide » dans sa réalisation même.
Au détour d’une réflexion de Khatera, le film met au jour une autre problématique : le temps judiciaire dans une démocratie, même balbutiante, est plus long et peut sembler plus pénible que dans une dictature. Khatera dit amèrement, en parlant de son père, au début du film : « Du temps des Talibans, il aurait déjà été pendu ! ».
Le problème, c’est que, du temps des Talibans, elle aurait peut-être bien été pendue, elle aussi.

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