dimanche 28 juin 2020

Seul dans Berlin



Alone in Berlin (Seul dans Berlin) de Vincent Perez (2016)
Le 25 juin 1940, la victoire fulgurante de la Wehrmacht sur l’armée française est fêtée à Berlin. Les Berlinois encensent le Führer et le Reich et la liesse est à son comble.
Les Quangel, un couple berlinois, eux, ne sont pas à la fête. Car de cette campagne de France, Hans, leur fils unique, n’est pas revenu. Et le couple au sein de l’immeuble qu’ils habitent, sait bien que le « Grand Reich de mille ans » n’est pas une bénédiction pour tout le monde, comme pour le juge Fromm, mis à la retraite ou leur autre voisine Frau Rosenthal qui est juive et dont le mari a été arrêté.
Otto Quangel achète des cartes postales et écrit « en caractères bâtons » des messages antinazis qu’il va ensuite déposer dans différents endroits publics de la capitale allemande.
Anna, sa femme, ne tardera pas à découvrir ce que fait son mari et à l’aider.
Le roman Jeder für sich Allein (« Chacun meurt seul ») est sorti en Allemagne en 1947, l’année même de la mort de son auteur Hans Fallada.
Le livre raconte la vie d’un immeuble berlinois entre 1940 et 1943 et analyse les rapports de voisinage entre un voyou collabo, une famille de nazis convaincus, un juge retraité qui ne s’est jamais remis de la mort de sa fille, une ancienne commerçante juive qui attend désespérément le retour de son mari, arrêté par les SS pour « détention de biens à l’étranger » et un couple Otto et Anna Quanzel, respectivement ouvrier-imprimeur et femme au foyer qui viennent d’apprendre la mort de leur fils unique pendant la campagne de France.
Ce sont les personnages centraux du livre, inspirés par les personnes bien réelles d’Otto et Élise Hampel qui ont effectivement déposé des cartes postales partout dans Berlin, dénonçant le régime nazi, ont été arrêtés, jugés, condamnés et décapités.
Une première adaptation du livre est réalisée par Alfred Vohrer en 1976 avec Hidegard Knef et Carl Raddatz. N’ayant pas vu le film, semble-t-il, bien oublié, il m’est impossible d’établir une comparaison avec le film de Perez.
En revanche, on peut comparer le roman Seul dans Berlin (ressorti en France il y a quelques mois) avec ledit film. Le roman d’Hans Fallada était considéré par Primo Levi comme « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie » dont le sujet était la peur et la lâcheté : toutes les cartes déposées par les Quanzel ont été pieusement et servilement rapportées à la Gestapo et le seul authentique lecteur de ces cartes sera le commissaire Escherich qui, bien que « converti » grâce aux cartes (et ce sera le seul, puisque le seul à les avoir lues !), va livrer le couple aux bourreaux avant de se suicider lui-même.
La dernière séquence du film de Perez nous montre ce suicide précédé du vol des cartes postales qu’Escherich balance par la fenêtre pour les rendre publiques.
Malheureusement, c’est peut-être la seule séquence réussie du film et elle arrive bien tard.
Le film est tourné en anglais avec, pour certains des comédiens, un fort accent allemand, ce qui est inévitable pour une co-production franco-germano-britannique.
Pour qu’on comprenne bien que nous sommes dans les années de plomb, l’ambiance berlinoise est grisailleuse et sinistre, mais tout est répétitif et inintéressant.
Curieusement, devant ce Berlin nazi de carton-pâte, le film auquel j’ai pensé, c’est l’admirable Julia, mais Perez n’a rien à voir avec Zinnemann, d’abord parce que Zinnemann était né à Vienne et avait vécu à Berlin avant de s’expatrier aux Etats-Unis en 1929, ensuite parce que c’était un grand cinéaste, ce qu’on ne sent pas forcément chez Perez…
Emma Thomson et Brendan Gleeson, malgré leurs talents respectifs, ne sont crédibles à aucun moment. Daniel Brühl, qui s’améliore avec le temps, est tout juste passable. Seul Mikael Persbrandt dans un rôle de SS sadique, stupide et ignoble à souhait, tire son épingle du jeu ainsi que Monique Chaumette qu’on n’avait pas vue depuis bien longtemps et qui nous donne ici une interprétation sensible du personnage touchant de Frau Rosenthal, la pauvre vieille juive.
Mais à part ces deux-là, il faut bien avouer que le film est un ratage[1].


[1] C’est, du reste ce que va considérer l’ensemble de la critique, mais deux ans plus tard, la même critique va se pâmer devant ce que JE considère comme bien pire, Une vie cachée du cureton américon Malick.

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