mercredi 10 juin 2020

Jack l’éventreur (Wickes)


Jack l'Éventreur - Téléfilm (1988) - SensCritique ****
Jack the Ripper (Jack l’éventreur) téléfilm de David Wickes (1989)

L’inspecteur Frederick Abberline est affecté par Scotland Yard sur une affaire dont il semble, à priori, étrange que les sommités policières britanniques s’y intéressent : il s’agit d’une prostituée retrouvée abominablement éviscérée, dans le quartier de Whitechapel.
Abberline et son adjoint George Godley prennent donc leurs quartiers au commissariat de Whitechapel où ils ne sont pas précisément les bienvenus puisqu’ils arrivent pour « souligner » l’incompétence de leurs « collègues » du quartier.
Un jeune journaliste du « Star », Benjamin Bates, s’intéresse également à l’affaire ainsi que sa collègue Emma Prentiss, dessinatrice du journal, qui se trouve avoir été la maîtresse d’Abberline.
Abberline reçoit également la visite de Robert James Lees, voyant « personnel » de la reine Victoria, qui est sûr d’avoir eu une vision de l’assassin, un homme à deux visages qui ressemble beaucoup au Docteur Jekyll et Mr Hyde de Robert-Louis Stevenson dont l’adaptation théâtrale triomphe actuellement, principalement grâce à l’interprétation saisissante de Richard Mansfield, un célèbre acteur américain.
On pense beaucoup à l’excellent film de Bob Clark Meurtre par décret, qui fut pratiquement invisible pendant des années.
Le film de David Wickes se rapproche d’ailleurs de cette thèse en mêlant la couronne de Victoria à cette série de meurtres horribles, sordides et inexpliqués. L’idée de génie de ce scénario est d’ailleurs d’avoir intégré à l’histoire le succès énorme qu’eut, à l’époque, l’adaptation théâtrale du sombre Docteur Jekyll et Mr Hyde de Robert Louis Stevenson. L’atmosphère lourde de puritanisme de la fin du règne de Victoria, harcelé par le modernisme qui allait apporter son lot de découverte comme la psychanalyse et la schizophrénie, ne pouvait que se purger dans les excès les plus sordides, ceux des crimes immondes perpétrés sur des personnes considérées par les puritains en place comme la lie de la société, les putains de Whitechapel.
L’explication de l’énigme est ici moins théâtrale et moins virulente que dans le film de Clark. La couronne d’Angleterre n’est ici mêlée à l’affaire qu’assez indirectement et il n’y a pas le complot que dénonçait Sherlock Holmes dans Meurtre par décret dont le titre portait en lui-même ladite explication. En d’autres termes, Buckingham flirte ici moins outrageusement avec Whitechapel. Et le vrai responsable chez Clark est à peine soupçonné chez Wickes.
L’inspecteur Abberline (qui fut le vrai policier chargé de cette mystérieuse enquête et dont les conclusions ne furent jamais rendues publiques), sans être Sherlock Holmes, fait partie de ces flics hors pair et hors norme, à la fois cynique et intègre. A ce niveau, Michael Caine était le choix idéal pour l’interpréter.
 Jack the Ripper est un téléfilm qui fait honneur à la télévision et prouve que celle-ci peut avoir un certain souffle pour peu qu’on fasse preuve de talent et qu’on lui donne les moyens matériels sur lesquels il semble qu’on n’ait pas lésiné ici.
14 septembre 2017                                       
Onze ans après Meurtre par décret et douze ans avant From Hell, ce somptueux téléfilm reprend la thèse d’un complot fomenté au nom de la couronne et exécuté par deux malades mentaux dont un proche de Victoria.
Mais contrairement aux deux autres films, le scénario n’est pas une adaptation de The Ripper File d’Elwyn Jones et John Lloyd.
Et contrairement à ces deux films, par voie de conséquence, le « McGuffin » (un bébé) n’existe pas ici.
Bien sûr, le film reprend la thèse de « l’exécuteur-médecin » puisque les différentes autopsies de victimes de l’éventreur faisaient allusion à des « connaissances anatomiques certaines » qui laissaient à penser que le tueur pouvait être boucher ou médecin. Or, la thèse « médecin » est plus « séduisante » que la thèse « boucher » pourtant privilégiée par l’Establishment à l’époque, d’autant que les bouchers de Whitechapel étaient majoritairement des Juifs ayant fui les pogroms des Shtetls d’Europe de l’est.
D’autres personnages bien réels, sont ici, « déviés » de ce qu’ils furent réellement jusqu’à en devenir des personnages de fiction portant le patronyme de personnages ayant eu un rôle dans l’histoire, mais éliminés ici.
Sir Charles Warren, chef de la police à l’époque des meurtres, passa à une postérité douteuse pour avoir fait tirer sur une manifestation d’ouvrier le dimanche 13 novembre 1887 sur Trafalgar Square et resté sinistrement dans les mémoires sous la triste appellation de « Bloody Sunday ». Sir Charles Warren a encore aujourd’hui la réputation d’un triste… sire, totalement réactionnaire, stupide et vicieux qui n’aurait dû son maintien comme chef de la police qu’à son appartenance à la franc-maçonnerie, très puissante en Angleterre à l’époque. C’est d’ailleurs ainsi qu’il est présenté dans les deux autres films, incarné par Anthony Quayle chez Clark et par John Richardson chez les frères Hughes.
Ici, c’est Hugh Fraser qui s’y colle. Fraser est un bon comédien spécialisé dans les rôles d'andouille, depuis son rôle de l’imbuvable Mr. Talmann dans Meurtre dans un jardin anglais ou de ce pauvre crétin d’Arthur Hastings, assistant-faire-valoir du célèbre détective belge dans la série ITV Hercule Poirot. Mais Sir Charles Warren est présenté ici, sous un jour moins défavorable, plus sympathique et même qualifié d’« Homme bien ».
Autre personnage, Benjamin Bates (très bien interprété par Jonathan Moore), reporter au « Star » dont je ne crois pas qu’il ait existé sous ce patronyme et qui est présenté ici comme un assez ignoble petit fouille-merde qui se place tout de suite sous la « protection » de George Lusk.
Et puis, il y a Sir William Gull, l’un des médecins de la reine et « suspect » potentiel dans toutes les œuvres « ripperologistes ».
Mais le plus grand « détournement de personnage réel », c’est George Lusk, leader du Whitechapel Vigilance Committee qui était un brave bourgeois et non l’activiste marxiste et « ivre de pouvoir » tel qu’il nous est montré ici sous les traits de Michael Gothard, excellent au demeurant…
Comme sont excellents tous les comédiens de ce long téléfilm (au milieu desquels on trouve Jane Seymour) une distribution dominée par Michael Caine (Abberline) et Armand Assante (dans le rôle du comédien Richard Mansfield) qui obtinrent respectivement un Golden Globe chacun plus un Emmy Awards pour Assante.

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