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Jack the Ripper (Jack
l’éventreur) téléfilm de David Wickes (1989)
L’inspecteur
Frederick Abberline est affecté par Scotland Yard sur une affaire dont il
semble, à priori, étrange que les sommités policières britanniques s’y
intéressent : il s’agit d’une prostituée retrouvée abominablement éviscérée,
dans le quartier de Whitechapel.
Abberline
et son adjoint George Godley prennent donc leurs quartiers au commissariat de
Whitechapel où ils ne sont pas précisément les bienvenus puisqu’ils arrivent
pour « souligner » l’incompétence de leurs « collègues » du
quartier.
Un
jeune journaliste du « Star », Benjamin Bates, s’intéresse également
à l’affaire ainsi que sa collègue Emma Prentiss, dessinatrice du journal, qui
se trouve avoir été la maîtresse d’Abberline.
Abberline reçoit également la
visite de Robert James Lees, voyant « personnel » de la reine
Victoria, qui est sûr d’avoir eu une vision de l’assassin, un homme à deux
visages qui ressemble beaucoup au Docteur
Jekyll et Mr Hyde de Robert-Louis Stevenson dont l’adaptation théâtrale
triomphe actuellement, principalement grâce à l’interprétation saisissante de
Richard Mansfield, un célèbre acteur américain.
On pense
beaucoup à l’excellent film de Bob Clark Meurtre par décret, qui fut pratiquement invisible pendant des années.
Le film de
David Wickes se rapproche d’ailleurs de cette thèse en mêlant la couronne de
Victoria à cette série de meurtres horribles, sordides et inexpliqués. L’idée
de génie de ce scénario est d’ailleurs d’avoir intégré à l’histoire le succès
énorme qu’eut, à l’époque, l’adaptation théâtrale du sombre Docteur Jekyll et Mr Hyde de Robert
Louis Stevenson. L’atmosphère lourde de puritanisme de la fin du règne de
Victoria, harcelé par le modernisme qui allait apporter son lot de découverte
comme la psychanalyse et la schizophrénie, ne pouvait que se purger dans les
excès les plus sordides, ceux des crimes immondes perpétrés sur des personnes
considérées par les puritains en place comme la lie de la société, les putains
de Whitechapel.
L’explication
de l’énigme est ici moins théâtrale et moins virulente que dans le film de
Clark. La couronne d’Angleterre n’est ici mêlée à l’affaire qu’assez
indirectement et il n’y a pas le complot que dénonçait Sherlock Holmes dans Meurtre par décret dont le titre portait en lui-même ladite explication. En
d’autres termes, Buckingham flirte ici moins outrageusement avec Whitechapel.
Et le vrai responsable chez Clark est à peine soupçonné chez Wickes.
L’inspecteur
Abberline (qui fut le vrai policier chargé de cette mystérieuse enquête et dont
les conclusions ne furent jamais rendues publiques), sans être Sherlock Holmes,
fait partie de ces flics hors pair et hors norme, à la fois cynique et intègre.
A ce niveau, Michael Caine était le choix idéal pour l’interpréter.
Jack the Ripper est un
téléfilm qui fait honneur à la télévision et prouve que celle-ci peut avoir un
certain souffle pour peu qu’on fasse preuve de talent et qu’on lui donne les
moyens matériels sur lesquels il semble qu’on n’ait pas lésiné ici.
14
septembre 2017
Onze ans après Meurtre par décret et douze ans
avant From Hell, ce somptueux téléfilm
reprend la thèse d’un complot fomenté au nom de la couronne et exécuté par deux
malades mentaux dont un proche de Victoria.
Mais
contrairement aux deux autres films, le scénario n’est pas une adaptation de The Ripper File d’Elwyn Jones et John
Lloyd.
Et
contrairement à ces deux films, par voie de conséquence, le
« McGuffin » (un bébé) n’existe pas ici.
Bien sûr,
le film reprend la thèse de « l’exécuteur-médecin » puisque les
différentes autopsies de victimes de l’éventreur faisaient allusion à des
« connaissances anatomiques certaines » qui laissaient à penser que
le tueur pouvait être boucher ou médecin. Or, la thèse « médecin »
est plus « séduisante » que la thèse « boucher » pourtant
privilégiée par l’Establishment à l’époque, d’autant que les bouchers de
Whitechapel étaient majoritairement des Juifs ayant fui les pogroms des Shtetls
d’Europe de l’est.
D’autres
personnages bien réels, sont ici, « déviés » de ce qu’ils furent
réellement jusqu’à en devenir des personnages de fiction portant le patronyme
de personnages ayant eu un rôle dans l’histoire, mais éliminés ici.
Sir
Charles Warren, chef de la police à l’époque des meurtres, passa à une
postérité douteuse pour avoir fait tirer sur une manifestation d’ouvrier le
dimanche 13 novembre 1887 sur Trafalgar Square et resté sinistrement dans les
mémoires sous la triste appellation de « Bloody Sunday ». Sir Charles
Warren a encore aujourd’hui la réputation d’un triste… sire, totalement
réactionnaire, stupide et vicieux qui n’aurait dû son maintien comme chef de la
police qu’à son appartenance à la franc-maçonnerie, très puissante en
Angleterre à l’époque. C’est d’ailleurs ainsi qu’il est présenté dans les deux
autres films, incarné par Anthony Quayle chez Clark et par John Richardson chez
les frères Hughes.
Ici, c’est
Hugh Fraser qui s’y colle. Fraser est un bon comédien spécialisé dans les rôles d'andouille, depuis son
rôle de l’imbuvable Mr. Talmann dans Meurtre
dans un jardin anglais ou de ce pauvre crétin d’Arthur Hastings, assistant-faire-valoir
du célèbre détective belge dans la série ITV Hercule Poirot. Mais Sir Charles Warren est présenté ici, sous un
jour moins défavorable, plus sympathique et même qualifié d’« Homme bien ».
Autre
personnage, Benjamin Bates (très bien interprété par Jonathan Moore), reporter
au « Star » dont je ne crois pas qu’il ait existé sous ce patronyme
et qui est présenté ici comme un assez ignoble petit fouille-merde qui se place
tout de suite sous la « protection » de George Lusk.
Et puis,
il y a Sir William Gull, l’un des médecins de la reine et « suspect »
potentiel dans toutes les œuvres « ripperologistes ».
Mais le
plus grand « détournement de personnage réel », c’est George Lusk,
leader du Whitechapel Vigilance Committee qui était un brave bourgeois et non
l’activiste marxiste et « ivre de
pouvoir » tel qu’il nous est montré ici sous les traits de Michael
Gothard, excellent au demeurant…
Comme sont
excellents tous les comédiens de ce long téléfilm (au milieu desquels on trouve
Jane Seymour) une distribution dominée par Michael Caine (Abberline) et Armand
Assante (dans le rôle du comédien Richard Mansfield) qui obtinrent
respectivement un Golden Globe chacun plus un Emmy Awards pour Assante.
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