mercredi 17 juin 2020

From Hell


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From Hell (2001) d’Albert et Allen Hughes
Frederick Abberline, inspecteur de police du Scotland Yard, est envoyé par sa hiérarchie dans le district de Whitechapel, au cœur de l’East End londonien, quartier pauvre de Londres.
Depuis le mois d’août de cette année 1888, plusieurs prostituées ont été assassinées et éviscérées, probablement par le même tueur qu’on a surnommé, « Jack L’Éventreur ».
Frederick Abberline est en charge de l’enquête, mais il constate que sa hiérarchie ne semble pas très pressée de lui faciliter les choses.
Le directeur de la police, Sir Charles Warren, ne lui cache pas sa profonde antipathie et lui fait bien sentir qu’il pourrait bien devenir la « tête de turc » en cas de non-résolution, alors qu’il fait tout pour freiner l’enquête.
Si un réalisateur voulait être très original et à moins d’être complètement décervelé, il ne se lancerait certainement pas dans un film comptant « les hauts faits » de Jack L’Éventreur !
Pas moins de 109 films ont été tournés sur ce tueur en série qui, faute d’avoir été le premier, a été le premier à être ainsi médiatisé[1] en assurant lui-même cette médiatisation puisqu’il envoyait des lettres à Scotland Yard et au Star, un tabloïd de l’époque.
Et toutes ces lettres se terminaient invariablement par « Catch Me if You Can ! Jack The Ripper » alors qu’en exergue, l’une d’elle portait la mention « From Hell ».
Cette mention sous-tendait, à tout le moins, certaine croyance religieuse.
L’avoir utilisé comme titre de la bande dessinée américaine d’Alan Moore et Eddie Campbell nous renvoie plutôt, comme la bande dessinée elle-même, à l’enfer que représentait l’East End en général et le quartier de Whitechapel en particulier.
D’ailleurs, les auteurs ont bien précisé que la « thèse » de Stephen Knight (qui est aussi à la base de Meurtre par décret) n’était pour eux que le terreau qu’ils désiraient exploiter pour montrer ce qu’étaient à la fois la misère et la condition des femmes au sein de cette société de sous-prolétaires dont les bourgeois et, à fortiori, les aristocrates ne voulaient même pas savoir qu’elles existaient, sauf lorsqu’il s’agissait de s’en servir pour aller s’encanailler. Ces films, et tout particulièrement From Hell, au-delà du côté monstrueusement anecdotique des femmes éventrées, font un peu ce que faisait Charles Dickens un demi-siècle avant les crimes en question pour, au-delà de la biographie d’un jeune garçon nommé Oliver Twist, montrer (et dénoncer) la misère de ce qu’on appelle de nos jours le Quart-Monde dans certains quartiers de Londres (Field Lane au sud de Saffron Hill, à l’époque de Dickens).
La série de la BBC, Ripper Street, s’éloigne encore plus des crimes de l’éventreur qui n’est plus que la lointaine référence à toute la violence qui n’a désormais plus rien à voir avec lui : la série devient alors une véritable chronique horrifique de Whitechapel, ce quartier « criminogène » comme on dit aujourd’hui.
From Hell est indissociable de deux autres (excellents) films : Meurtre par décret de Bob Clark et Jack l’Éventreur de David Wickes.
Tous les trois reprennent la thèse du complot au sein duquel Sir William Gull, médecin personnel de la reine Victoria, a… Comment dire ?... une place de choix !
Par voie de conséquence, on est bien obligé de comparer les trois. Dans Meurtre par décret, Aberline devient rien moins que… Sherlock Holmes et le contexte politique ne fait au début du film qu’une apparition anecdotique, presqu’une allusion, jusqu’à ce qu’on comprenne son importance de premier plan dans l’histoire.
Le film de Wickes est le plus « complet ». Il traite de tout et principalement du contexte politique avec la participation d’un personnage réel, George Lusk, dont le film détourne quelque peu à la fois le rôle et la personnalité.
Curieusement, Lusk n’apparait que très peu chez les frères Hughes, alors que c’était lui, en tant que leader du « Whitechapel Vigilance Comittee », qui avait reçu la lettre « From Hell » qui donne son titre au film.
En revanche, le prince Albert, Duc de Clarence prend pour pseudonyme Albert Sickert et se fait passer pour peintre. Or WALTER Sickert était effectivement un peintre de l’époque dont une des œuvres est… Jack the Ripper’s Bedroom. Cette chambre était la propre chambre de Sickert et « Jack l’Éventreur » l’aurait occupé avant lui : c’est, du moins, ce que lui aurait affirmé sa logeuse.
Et il se trouve que Walter Sickert est le plus sérieux des (nombreux) candidats soupçonnés d’avoir été l’Éventreur, du moins si l’on en croit le livre totalement fantaisiste que Patricia Cornwell, visiblement plus à l’aise avec la fiction qu’avec l’Histoire, écrivit sur l’affaire et qu’elle intitula de façon définitive et vindicative Jack L’Éventreur : dossier classé, pourtant totalement faux et truffé d’invraisemblances.
Pour leur film (ça vient probablement de la BD originale), les frères Hughes ont donc puisé dans toute la « Ripperologie », y compris la plus fumeuse.
Le film est une totale réussite esthétique ayant visiblement bénéficié de plus de moyens que Meurtre par décret et, bien sûr, d’une technologie plus avancée.
Abberline n’est pas héroïnomane, comme Sherlock Holmes dans le film de Clark, ou alcoolique, comme chez Wickes, mais opiomane ce qui lui permet d’avoir des visions et de faire ainsi l’économie du personnage de Lees, le « voyant de la reine », présent dans les deux autres films.
Johnny Depp, sans être sublime, est très bien et l’ensemble du casting est parfait.
Mais dans cette « compétition » cinématographique entre les trois films, From Hell reste pour moi, malgré son incontestable suprématie esthétique, la lanterne rouge du train… Mais d’un train indéniablement prestigieux !




[1] mais n’oublions pas la bête du Gévaudan : c’était 150 ans auparavant et c’était chez nous !

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