mardi 9 juin 2020

Xénia


Xenia (Ξενία) (Xénia) (2014) de Panos H. Koutras
 Dany, blondinet péroxydé de 16 ans, vient chercher son frère Odysseas, qu’il appelle Ody, à Athènes.
Il lui annonce la mort de leur mère et le convainc, difficilement, de partir à la recherche de leur père, devenu homme politique d’extrême droite xénophobe, alors que la mère des deux jeunes gens était albanaise.
Ils ont donc besoin d’être reconnue par ce père (que leur mère et eux-mêmes ont toujours appelé « l’innommable ») pour obtenir la nationalité grecque.
Dany voudrait aussi que son frère, qui a un brin de voix, participe à un télé-crochet où il interprèterait Tutt’al più, une chanson de Patty Pravo, idole de Dany et qui était aussi l’idole de leur mère.
Première condition pour aimer Xenia, condition importante, mais non indispensable : être, sinon fan, tout au moins au fait de la discographie de Patty Pravo, « la Ragazza del Piper »[1].
A part cela, aucune connaissance spéciale n’est requise, aucun permis, aucune carte pour apprécier ce film hors norme d’apparence foutraque, mais remarquablement pensé et écrit.
Mélange d’onirisme (parfois fellinien) et de réalisme (la Grèce d’aujourd’hui où plane l’ombre malfaisante d’Aube dorée), le film est un peu à l’image des deux frères, à la fois fantasque comme Dany, pragmatique comme Ody et, en définitive, dans une osmose parfaite entre les deux.
A travers le souvenir de leur mère, l’ombre de ce père (qui s’avère encore plus inexistant que lorsqu’ils le surnommaient « l’innommable »), l’aide de Lefterris et, bien sûr, les chansons de Patty Pravo, Dany et Ody vont cheminer ensemble accompagné de Dido, le lapin « doudou » de Dany, « personnage » habité qui nous vaut un très joli « coup de cinéma » (comme on dit « coup de théâtre »). Et ce voyage les mènera jusqu’à cet hôtel désaffecté, « Xenia », qui donne son nom au film.
Par son mélange des genres, par la qualité de son interprétation (Nikos Gelia-Ody et, surtout, Kostas Nikouli-Dany ainsi que les rôles secondaires), par la rigueur de son scénario et l’inventivité de sa mise en scène, Xenia n’est pas seulement un film exquis, c’est aussi un film au charme fou.
Seul bémol (mais vraiment parce qu’il faut en trouver un), on voit apparaître furtivement Patty Pravo maintenant, ce qui ne serait pas une mauvaise idée en soi, si la chanteuse italienne des années 60 n’avait cédé un peu trop complaisamment et profondément aux sirènes de la chirurgie esthétique : le résultat est qu’il faut vraiment savoir que c’est, enfin… ce fut « la Ragazza del Piper ».


[1] « Il Piper » était une très célèbre (et considérée scandaleuse) boîte de nuit romaine où se produisait Patty Pravo au tout début de sa notoriété.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire